samedi 16 mai 2015

Les Hauts de HurleVent

Entraînée par mon engouement pour Rebecca, j'ai eu envie de poursuivre dans la découverte des classiques anglais, et surtout dans la veine du roman gothique (qui a inspiré Daphné du Maurier). Mais autant l'avouer, j'ai eu du mal à commencer ma chronique. Pourtant j'ai plutôt apprécié ma lecture... Enfin sans doute pas tant que cela finalement, parce qu'elle ne m'a pas donné l'énergie qui va bien pour écrire un article qui transpire l'enthousiasme...
Comme j'ai du mal ce soir (et avec ce livre aussi, j'en conviens et vais tenter de vous dire pourquoi) je vais procéder de manière très prosaïque :
Pourquoi j'ai aimé / pourquoi je n'ai pas aimé.

Un bref résumé avant de me lancer ...
Quand Earnshaw, le propriétaire des Hauts de Hurlevent, (lieu au nom hautement symbolique), revient de voyage avec un bébé en guise de cadeau, il n'imagine pas quelle désolation il est en train d'introduire chez lui... 
Celui qu'on va appeler Heathcliff, et concentre à lui seul tout ce qu'un être humain peut ressentir de passion et de haine, devient peu à peu le maître de la maison, et le maître des âmes. Pauvres âmes tourmentées d'ailleurs... Je n'en dirai pas plus, à part que la vie à Hurlevent n'aura jamais mieux porté son nom depuis ce jour ! 

Bon, maintenant que j'ai réussi à vous donner l'eau à la bouche, allons-y pour la confrontation de mes sentiments, malgré tout mitigés.

Pourquoi j'ai aimé ?
- Tout d'abord, parce que c'est un classique de la littérature anglaise que j'avais envie de découvrir depuis longtemps, depuis que j'ai lu Jane Eyre en fait, et aussi intriguée par cette littérature suite à la lecture de Rebecca. Et bien ça y est, c'est fait.
- Parce que la couverture de la nouvelle édition de Poche d'avril 2015( toute récente !!) (cf l'image de cet article) est vraiment sympa. Un peu glauque c'est vrai, mais juste ce qu'il faut !
- Parce que la traduction est plutôt bonne, et que la lecture d'un grand classique est toujours agréable. - Parce que le système de narration est extrêmement intéressant : polyphonie des voix et système en poupées-russes. Ce sont toujours des protagonistes extérieurs à l'intrigue principale qui racontent. Leurs récits sont enchâssés dans d'autres récits. La principale narratrice est Nelly Dean, la bonne pleine de principes mais plutôt objective. 
- Les personnages ont une psychologie très intrigante, mélange de bien et de mal, de folie et de passion. Heathcliff incarne à lui seul ces ambivalences. Les Catherine sont également très intéressantes, en particulier la dernière pour moi, puisqu'elle porte à elle seule les quelques onces d'euphorie du roman. 
- J'ai beaucoup aimé la fin du roman, non pas parce que c'était la fin ! mais parce qu'on lève complètement le voile sur Heathcliff, et j'ai trouvé les métaphores fantômatiques et vampiriques effroyablement fascinantes. Je salue le talent de l'auteur, qui est parvenue, malgré son jeune âge, à traduire les côtés les plus sombres de l'âme humaine, mêlés aux sentiments les plus ardents. 


Pourquoi j'ai moins aimé ?
- J'aurais aimé que la narration soit différente. Certes le fait de laisser le récit de l'histoire aux soins de divers personnages est d'un grand intérêt littéraire et d'une grande virtuosité. En effet on nous dévoile autant qu'on nous dissimule, mais cela permet aussi à l'auteur de maintenir une forme de censure sur cette histoire plus que machiavélique. Ceci étant, j'aurais aimé que le point de vue adopté soit celui des personnages principaux, les plus intéressants parce que les plus complexes. Ainsi un chapitre conté du point de vue de Heathcliff, ou de celui de Catherine (la première surtout !) aurait été assez jouissif... mais tel n'était pas l'effet qu'Emily Brönte comptait rendre dans son roman, et j'avoue que les indices qu'elle laisse à travers les discours de ses personnages est une méthode assez efficace pour tenir en haleine les lecteurs (mais moi, j'aime bien tout comprendre, surtout du point de vue psychologique !)
- J'ai trouvé le langage du XIXème un peu pompeux et redondant, ce qui alourdissait la lecture. Certains discours des personnages manquaient de naturel. Droit au but bon sang ! Mais on est au XIXème siècle...
- On peut être gêné par le nombre de personnages, les mélanges de générations, et surtout le choix de l'auteur de donner le même prénom à deux personnages sur deux générations, et transformer un nom en prénom...Cela complexifie encore une intrigue déjà complexe. 
- Les intrigues amoureuses et matrimoniales avaient tendance à se répéter selon moi... j'ai comme le souvenir d'avoir lu comme deux romans assez semblables. 
- Comme vous sans doute à la lecture de mon résumé (et j'ai fait un peu exprès !), j'aurais aimé que l'intrigue porte davantage sur Heathcliff de manière directe (il est au centre, mais on nous décrit surtout ses ombres) et surtout sur sa relation avec sa soeur Catherine (clé de tous les déboires qui suivront). 

En dépit de ces quelques griefs, j'ai poursuivi ma lecture à un très bon rythme, j'avais envie de connaître la suite. Mais il n'en reste malheureusement pas grand chose, mis à part le sentiment d'en connaître un peu plus sur la littérature anglaise... Ce sentiment me surprend d'ailleurs... 
Peut-être est-ce parce qu'il y en a tellement à dire que je n'y parviens pas... Ce livre est un immense chef d'oeuvre, malgré tout ce que j'ose lui reprocher... Il m'en laisse désarmée...
En tout cas, il ne prendra pas leurs places à Jane Eyre et surtout à Rebecca !

Ah quand même une chose ! J'ai fait mon premier challenge avec ce livre : Finir un livre ce week-end. Et j'ai réussi :)

Je n'en reste pas moins frustrée de ne pas réussir à exprimer mon avis sur ce livre...
Toutefois un article extrêmement intéressant de Lilly vient de m'éclairer sur certains points. Il faut donc que je vous parle un peu plus des deux personnages qui m'ont le plus touchée : Heathcliff et Hareton. Le premier parce qu'il est celui qui endure le plus de souffrances (tout en en faisant endurer énormément en retour, j'entends bien...). C'est lui le démon et le vampire dans l'affaire, mais s'il est devenu ainsi, c'est sans doute à cause de son amour inassouvi pour sa soeur Catherine. Quand ils sont enfants, ils ne peuvent s'aimer, puis elle se marie avec le fils Linton et s'en est fini de leurs relations. Il fait souffrir tout le monde autour de lui sans doute par frustration.
Ce personnage nous fait ressentir un panel d'émotions composite : on passe de l'apitoiement au dégoût, de l'incompréhension à la haine, mais aussi de la compassion à la plus grande tristesse. Ce personnage est éminemment complexe, faillible et humain. Les scènes qui m'ont le plus marquée sans doute sont celle, au début du roman, où il appelle Catherine sur un ton de désespoir, et celle où il raconte avoir été voir sa dépouille et demande à être enterré près d'elle. Finalement j'étais frustrée de ne pas en savoir plus sur les sentiments des personnages, mais en reconstituant le puzzle, on se rend compte que tous les détails nous ont été distillé peu à peu. Je crois que la conclusion de tout cela est que c'est un roman qu'il faut relire, pour en apprécier toutes les dimensions. Je pense que je m'y attelerai un jour et qu'alors, je n'aurais plus cet avis de mijaurée.

Hareton quant à lui est un personnage très touchant ; élevé par Nelly, il passe ensuite entre les griffes de Heathcliff, qui l'élève à la dure mais qu'il finit par aimer comme un père. Il trouve par la suite le courage de changer sa nature de brute inculte lorsqu'il rencontre Cathy Linton. Il apprend à lire et s'instruit. La relation des deux jeunes gens, vers la fin du roman, est ce qui m'a le plus émue dans ce livre.  Ils sont en quelque sorte l'incarnation du couple fantasmé par Heathcliff.

Je comprends de mieux en mieux pourquoi ce roman est à la fois un chef d'oeuvre et "le plus beau roman d'amour de tous les temps", ce qui souligne Georges Bataille sur la couverture. Chef-d'oeuvre parce qu'il ne laisse pas indifférent (la preuve, j'ai eu besoin de revenir sur mon article, que j'ai d'ailleurs eu du mal à écrire, parce que les sentiments et les idées qu'il a suscité en moi sont assez mêlée et perturbantes) et roman d'amour parce que les sentiments que se vouent Catherine et Heathcliff sont au-delà de l'absolu. Ils s'aiment d'un amour inconditionnel, d'âme à âme. Heathcliff a d'ailleurs l'impression de mourir quand Catherine décède, comme si son âme n'avait plus de lieu pour exister. Je me suis sentie un peu frustrée par la narration, mais c'est qu'en réalité ce roman demande une relecture, de remettre les éléments bout à bout pour saisir un tant soit peu son génie. 

17 commentaires:

  1. J'avais bien aimé ce roman, mais j'avais nettement préféré la deuxième partie, avec la deuxième Catherine. Moins glauque peut-être, plus porteur d'espoir?
    En tout cas, même si j'ai aimé ce roman, il n'arrive pas à la cheville de Jane Eyre (qui est mon roman préféré de tous les temps, donc c'est compliqué!). As-tu lu d'autres romans des sœurs Brontë? Il y en a des très bien! En ce qui concerne la littérature anglo-saxonne, connais-tu Elizabeth Gaskell? Elle a écrit des romans formidables (Nord et Surd, Femmes et filles). Et bien évidemment, il y a Jane Austen et ses magnifiques romans!

    Sinon, dans le même registre (même si ce n'est pas de la littérature anglo-saxonne) je ne sais pas si tu as lu Miss Charity de Marie-Aude Murail? C'est un roman pour ado, mais cela a été un véritable coup de cœur pour moi, tellement, que je me forçais à ne lire qu'un chapitre par jour, pour ne pas le terminer trop vite (je n'ai pas tenu...évidemment...)

    Tu parles de Challenge? De quels challenges est-ce qu'il s'agit?

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    1. Merci pour tous ces conseils, c'est top ! Je vais regarder ça de plus près :)
      Le challenge est sur Facebook. Ceux qui l'organisent n'ont pas de blog pour le moment. Je n'en sais pas vraiment plus en fait... J'ai lu Jane Eyre des soeurs Brönte mais c'est tout... qu'est-ce que tu me conseillerais d'autre ?

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    2. Il y a les deux romans d'Anne Brontë (la soeur la moins connue) La recluse de Wildfell Hall (qui est très bien! Il est aussi connu sous le titre de La dame du manoir de Wildfell Hall) et Agnès Grey (un peu moins bien)...bon évidemment, je trouve que cela n'a pas le niveau de Charlotte Brontë, mais ce sont des lectures agréables (surtout le premier).
      Sinon Charlotte a aussi écrit "Le professeur", sympa aussi

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    3. Oui j'avais cru voir ce titre, Wildfell Hall, et il m'avait intriguée :)
      Merci pour tous ces conseils !!

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  2. Ca fait un moment que je l'ai lu et tu me donnes bien envie de le relire :)

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    1. Parfait alors !! Tu en gardes un bon souvenir ? J'ai hâte de voir ton nouvel avis :)

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  3. C'est un livre que je n'ai pas encore eu l'occasion de découvrir, mais je compte bien le faire un jour !

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    1. Je ne peux que t'encourager !! C'est un chef-d'oeuvre qui malgré certaines complexités ne laisse pas indifférent.

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  4. Ce livre est l'un de mes préférés ! Et si dans la littérature anglaise je ne devais choisir qu'un roman, ce serait lui. Pourtant, comme toi, à ma première lecture, c'était pas gagné. J'ai été déstabilisée par le choix de la narration car je ne m'attendais pas du tout à ça. Comme toi, je pensais avoir le point de vue de Catherine, au moins. Et ça m'a empêchée de vraiment apprécier le roman. Puis, quelques mois plus tard, je l'ai relu. Et là, le coup de coeur ! (ce qui prouve que la relecture est bénéfique). J'ai été subjuguée par l'histoire d'amour. Et Heathcliff est devenu l'un de mes personnages masculins de roman préféré. La force de ses sentiments est impressionnante. Tout est fort dans ce livre, tout est violent, les personnages sont tous trop "trop". C'est comme si tout était poussé à son paroxysme. Et même en relisant le roman, alors que je connaissais la fin, je me surprenais à dire "non, ne fais pas ça". J'ai lu Jane Eyre aussi, mais je lui préfère largement Les Hauts de Hurle-Vent. (même si j'ai beaucoup aimé Jane Eyre aussi). Et finalement, je trouve le choix de la narration assez judicieux. On n'a pas accès aux pensées de Heathcliff et Catherine, ce qui les rend inaccessibles, on ne sait pas trop que penser d'eux. Comme les narrateurs, nous sommes spectateurs d'une tragédie que rien ni personne ne peut arrêter, nous sommes impuissants.

    Et ça me donne envie de relire Les Hauts de Hurle-Vent. Heathcliff m'appelle !

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    1. Je suis contente de voir qu'on partage le même avis, et je suis sûre aussi qu'une relecture me révélera d'autres dimensions géniales ! Merci pour ce commentaire !! :)

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  5. Mince, même si je ne peux que comprendre tout ce qui a pu te décevoir. Ce livre fait partie de mes romans préférés avec Jane Eyre. Ils sont très différents, pourtant je n'arrive pas à les départager. Je te rejoins sur le nombre de personnages. Je l'ai lu plusieurs fois, et la première fois j'étais un peu perdue (merci l'arbre généalogique présent au tout début de mon édition ^^). J'aime surtout ce livre pour la violence des personnages qui est autant inquiétante que fascinante. Je n'ai encore jamais retrouvé cet aspect dans un autre livre.

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    1. Comme le disait Emma juste au-dessus, c'est un livre qu'on apprécie plus encore à sa relecture. Je n'y manquerai pas un jour. Mais j'ai quand même tenu à exprimer mes réticences; sinon ma chronique n'aurait pas été honnête. J'avais aussi besoin de clarifier ce sentiment mitigé que je ressentais...

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  6. Oui bien sûr, et c'est aussi ce qui est génial quand on partage ses lectures. Je trouve ça tout aussi intéressant de lire des avis qui rejoignent les miens que de lire des avis plus réservés voire complètement opposés !

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    1. Partager ses lectures est effectivement ce que j'adore. Merci la blogo ! En plus comme tu dis les avis qui divergent, c'est plutôt constructif en définitive :)

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  7. Je viens de le lire (et quant à le relire pour mieux comprendre, ce n'est pas sûr). Mon billet reste à écrire et ça traîne un peu. Que dire qui n'a pas été déjà dit? OK c'est à lire pour savoir enfin à quoi ça ressemble...

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  8. J'avoue que le langage est bien lourd mais bon c'est certainement l'époque qui fait ça ^^, j'avais bien aimé ce livre tout de même !

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    1. Oui ça doit être ça ! Mais un bon livre effectivement, malgré ces lourdeurs...

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