mercredi 23 mai 2012

Nouveau Nancy Huston


Infrarouge, Nancy Huston

Le dernier roman de Nancy Huston vient de sortir en poche ; une aubaine !
Mon troisième de cette auteur, et une étrange surprise. Je n’ai pas eu le sentiment de retrouver celle qui a écrit L’Empreinte de l’ange, roman tout en retenue, en finesse et en émotions. Ici on est face à une héroïne qui semble pleine d’assurance, avec un fiancé, une passion (la photographie), un boulo reconnu (photographe favorite d’un journal) et pourtant un lourd passé. Rena a plus d’une faille, derrière le viseur de son appareil photo. Des failles liées aux vices subits dans l’enfance, des accrocs amoureux et sexuels, des fascinations…
On est peut-être plus proche de Dolce Agonia… mais toutefois, il est beaucoup question de vice, de sexe et de blessures dans ce roman fait de réminiscences. Le double de Rena, Suba, voix amie qui l’accompagne partout, l’enjoint sans cesse de « raconter » le souvenir que suscitent en elle les situations ou les individus qu’elle rencontre. Individus et paysages lumineux et exotiques puisque tout cela se passe lors d’un voyage en Italie. Lieu romantique par excellence, Florence est le théâtre pour elle de résurgences plus ou moins douloureuses. Le lecteur devient un peu le voyeur des souvenirs mais aussi des fantasmes de l’héroïne, qui accompagne son père et sa belle-mère pour ces vacances censées les reposer, les rapprocher peut-être.

Bref c’est un peu du voyeurisme tout ça ; certes c’est plaisant, la subversion ça fait palpiter, mais quand même, parfois c’est un peu trop. J’ai aimé cependant, mais c’était étrange. La fin est d’autant plus étrange qu’elle est bouleversante. Ce voyage aura véritablement transformé Rena, mais on ne sait pas si ce sera dans le bon ou le mauvais sens. Une sorte de cure de jouvence dont l’issue reste inconnue pour le lecteur.
Sorte de parcours initiatique à rebours et intérieur, le roman retrace le passé pour mieux voir l’avenir. Florence devient une sorte de bain révélateur à lumière infrarouge (méthode spéciale qu’utilise Rena pour révéler les émotions cachées de ses sujets de prédilection, les hommes en pleine jouissance… je ne saurais pas en dire plus). Rena sort de ce bain différente, plus faible semble-t-il, quoi que…
La fin est donc surprenante, la construction du roman déjà vue mais intéressante. Un roman vite lu, agréable, sans trop de prise de tête. Et avec du style, notons le bien. C’est Nancy Huston quand même. 

Remarque post-écrit : je viens de lire quelques critiques de ce roman, et il est que justement, ce sont les thèmes de prédilection de l’auteur qui sont déployés ici, dans un style et une trame narrative (les réminiscences en forme de musées personnels) remarquables. Comme quoi on ne peut bien juger d’un auteur que si on le connaît un minimum, et pas uniquement en ayant deux de ses livres. Et puis après, ça reste une affaire de goût et de ressenti !

Une remarque encore : la couverture du livre de poche est un peu glauque... on dirait un peu une peinture de Munch qui aurait pris la pluie...

mardi 1 mai 2012

Pennac était un corps



Journal d’un corps, Daniel Pennac

Au XVII siècle, le moi est haïssable ; au XVIIIème, parler de soi est tabou. Au XIXème et au XXème, les autobiographies fleurissent. Au XXIème siècle, le corps s’exhibe, et ce jusqu’en littérature. 

Pennac exhibe son corps face au lecteur. Enfin que dis-je, son corps, pas vraiment, plutôt celui d'un personnage qui tient le journal de son corps, un freluquet qui devient un écorché, un athlète des encyclopédies, et surtout un personnage qui finalement meurt. Donc ça ne peut être Pennac, ce corps en exposition. Mais pourtant...

Ce corps, il le fait venir sur le devant de la scène, il le fait (de)venir obscène. Pas du tout dans un sens péjoratif, pas du tout trivial, grotesque. A travers cette autobiographie d’un genre nouveau, véritablement BIO, puisqu’il s’agit bien du corps, l’auteur de Chagrin d’école et de La petite marchande de prose nous fait voir une nouvelle facette de lui, ou plutôt change l’angle d’observation. Loin de l’autobiographie traditionnelle où il est question des topoï de l’enfance, des grands bouleversements sentimentaux, de divers traumatismes psychologiques, Pennac nous livre ici, année après années, les bobos de son corps et toutes les jouissances physiques qui, deux face d’une même médaille, ponctuent l’existence humaine. 

Sa jeunesse (ou celle de son "héros qui parle de son corps à travers le je", mais je n'y reviendrai pas!- a été plutôt fleurissante, avec des moments de découverte et moult bobos, dont un récit de grève de la faim assez spectaculaire. La vie au pensionnat est quant à elle riche d’évènements burlesques et d’inventions hilarantes, tel que le jeu de loi du dépucelage, dont je me souviens encore deux mois après ma lecture. Vous avez sans doute également eu connaissance par un média ou un autre du fameux passage de l’équilibriste, autrement dit la description de l’explosion jouissive qui ponctue en finale la masturbation. 

Avec les années, le corps ne change plus mais devient plus vulnérable. Finies les immenses jouissances, finies les grands écarts de conduite et les embardées chevaleresques ; on vieillit, le corps aussi (surtout lui peut-être…). Il y a le nodule dans le nez, les saignements, les acouphènes, bref, tous les bobos de la vieillesse. Super quand on a vingt-deux ans que de savoir de quoi sera fait l’avenir de notre corps !
Bon en tout cas un point commun avec l’autobiographie traditionnelle : on pleure, on rit, on souffre, on jouit. Par le corps certes, mais les sentiments sont là également. En creux il y a aussi bien entendu des histoires d’amour (ou plutôt de fesses), des histoires de familles (ou plutôt de décès et de chutes dans le jardin), des histoires de cauchemars et de rêves (autrement dit de sueurs froides et d’éjaculations nocturnes). Par le corps, l’homme. On en revient toujours au même, même si le biais est différent. Et quel biais ! Une autobiographie déconcertante, un peu moins alléchante à la lecture que ne laissait présager le concept peut-être, mais un très bon souvenir.



Bilan après deux mois


Après une longue absence, petites chroniques des lectures de ces deux derniers mois…  Pardonnez les défauts de mémoire !

La ballade de Lila K, Blandine Le Callet
Une jeune fille abandonnée par sa mère dans un futur inquiétant, où tout le monde est épié. Un curieux monsieur qui la prend sous son aile et lui envoie des indices pour retrouver son identité. Des flash back, des souvenirs d’enfance sombres et déconcertants, des chats, et puis l’amour. C’est en gros ce que l’on peut dire de ce roman d’anticipation initiatique, dont l’héroïne est cette jeune fille qui finalement s’appellera Lila. Elle est attachante, bourrée d’intelligence, courageuse. Bref, c’est une héroïne. Ce qui lui est arrivé est plus que déconcertant, ça frise le glauque. Dans un monde futuriste aux allures de l’univers de Spielberg dans AI(Intelligence Artificielle), Lila, enfant, adolescente et adulte, se voit affronter des situations plus perturbantes les unes que les autres. Mais c’est pourtant tout ce qui fait le charme de ce livre, plein d’amitié et d’amour, malgré tout.
Un moment dépaysant, divertissant et assez marquant. 


Les heures, Michael Cunningham
Pour qui a lu Mrs Dalloway, c’est le roman idéal.
S’entrecroisent alternativement les destins de trois femmes : Clarissa Vaughan (hum hum, comme par hasard !), Laura Brown et Virginia Woolf elle-même. L’auteur nous raconte la journée de ces femmes plus ou moins ordinaires, l’une étant éditrice, l’autre écrivaine et la dernière mère au foyer. Il y est question de vie, d’ennui, de suicide, d’amour,… Bref, de tout ce qui peut faire la vie d’une femme aux alentours de la quarantaine. Un roman très agréable et enrichissant, surtout quand on a lu Virginia Woolf.
Je n’ai pas vu le film, mais je pense que ça vaudrait le coup. 



Charly IX, Jean Teulé

Le dernier Teulé venant de sortir en poche, forcément…
Mais j’ai été déçue.
Certes l’histoire est prometteuse : un jeune souverain doux et complaisant qui se transforme en fou furieux assassin sulfureux et malingre, ça laisse présager de grands moments ! C’est vrai qu’il y en a des grands moments : la chasse à cours dans le palais, les changements du calendrier qui déchaînent les paysans (on comprend l’origine du muguet le 1er mai par exemple), les complots étranges qui se trament contre le roi, et j’en passe. En outre ce roman permet de mieux comprendre l’Histoire, en la regardant du côté de l’intime (comme souvent avec Teulé).
Mais alors pourquoi n’ai-je pas aimé ?!
Parce qu’il en fait trop. Charles IX ou Teulé, je ne sais pas. Mais il y a trop de violence, trop d’anecdotes sanglantes, trop de caricature. La transformation du doux prince en bête avide de sang, et ce sur uniquement un an, est poussée à son paroxysme. Selon moi, trop c’est trop… Après, à vous de juger !


Le jour avant le bonheur, Erri de Lucas

Le récit bouleversant d’un jeune garçon devenu adulte, qui nous raconte les lieux de son enfance, la guerre, ses refuges. La ville prend dans ce roman une place singulière. Elle est le théâtre de toutes les violences, mais aussi de toutes les passions, de tous les désirs, de tous les amours.
Un très beau roman, un condensé d’autobiographie, de nostalgie et de poésie.

Désolée de ne pas parvenir à en dire davantage, mais il y a trop longtemps que je l’ai lu. Je ne me souviens presque que du plaisir que j’y ai pris…


A suivre !!!!