samedi 30 août 2014

Quand le secret revient

Boomerang, Tatiana de Rosnay

Antoine, la quarantaine bien tassée, tout juste divorcé, emmène sa soeur à Noirmoutier pour son anniversaire. Ce lieu leur rappelle des tas de souvenirs, surtout ceux de leur mère. Puis c'est l'accident. Au moment où elle voulait révéler à son frère quelque chose d'important, Mélanie perd le contrôle de la voiture et se retrouve dans un lit d'hôpital. Antoine craint non seulement de perdre sa soeur, mais aussi le secret qu'elle voulait lui révéler ... C'est sans compter sans l'imagination de Tatiana de Rosnay.

C'est vrai que ce roman débute d'une étrange manière : dans un hôpital, avec des personnages bien sonnés. C'est comme s'il débutait par la fin. Mais en réalité, par de savants retours en arrière, révélations au compte-goutte et suspense bien dosé, Tatiana de Rosnay nous laisse entrevoir le secret de famille qui pèse sur la mort de Clarisse, femme charismatique adulée et sublimée par les souvenirs. Plusieurs fois on pourrait penser que le roman va prendre fin, mais on sent les pages sous nos doigts, on se dit que non, finalement il va encore il y a avoir des rebondissements. On ne s'ennuie donc pas avec ce roman, qui mêle souvenirs d'enfance, suspense, relations familiales houleuses, amour et psychologie adolescente. On partage la vie d'Antoine, de ses trois ado, de son ex-femme et de sa nouvelle petite-amie. Leurs histoires sont assez banales, mais si on l'accepte, il est facile de se laisser emporter. Il y a toutefois un épisode, un peu long et un peu glauque, qui m'a posé question : la mort de Pauline, la meilleure amie de la fille d'Antoine. Certes on tisse aisément les liens qui l'unissent aux autres évènements de l'intrigue (attention, je vais dangereusement spoiler !) : la mort subite, comme Clarisse morte d'une rupture d'anévrisme, la rencontre de l'ado avec la mort qui rappelle celle d'Antoine lors du décès de sa mère, le corps à la morgue (la nouvelle petite amie d'Antoine est bikeuse et tanatopracteuse), l'enterrement,... Mais je l'ai trouvé un peu pesant, tant en terme de détails et d'atmosphère, qu'en terme de nombre de pages.
Pour le reste le roman se lit vite (ce que j'apprécie beaucoup chez Tatiana de Rosnay) et l'histoire nous emporte facilement. Encore une fois on retrouve un personnage de femme britannique, mais son rôle, bien qu'extrêmement important, reste en sourdine. 

Ce roman parle finalement beaucoup d'amour, celui qu'on porte à ses souvenirs, à sa famille, à ses enfants, et puis bien sûr d'amour charnel, mais au second plan. Les relations familiales sont extrêmement détaillées, la psychologie de chacun est saisie avec justesse. On peut déplorer bien sûr certains clichés (les ado rebelles, l'adultère,...), mais en mettant en scène un si grand nombre de personnages, il semble difficile de tous les dessiner à la perfection.
En définitive, si ce roman est long et riche en épisodes, c'est sans doute parce qu'on accompagne Antoine dans son chemin vers la résilience, celle de la mort de sa mère, de ses relations difficiles avec son père, et enfin de son divorce. Une tranche de vie comme on dit, un vrai roman donc, et le mélange est plutôt réussi (même si ce n'est pas mon préféré de l'auteur, peut-être à cause du fait que le personnage principal soit un homme). 

jeudi 28 août 2014

Lectures d'été et livre délaissé

Je viens de me rendre compte que je ne suis pas à jour dans les chroniques de mes lectures. Je vais donc palier cet oubli malencontreux :) :


Moka, Tatiana de Rosnay

L'histoire de cette mère qui se bat pour découvrir qui a renversé son fils en ce mercredi après-midi est prenante et émouvante. Sa vie, ainsi que celle de son couple, bascule avec son fils lorsqu'il sombre dans le coma (moka...) à cause d'une voiture couleur moka qui roulait trop vite. L'attente passive est insupportable, et Justine, anglaise mariée à un parisien un brin macho, décide de passer à l'action. Elle part donc dans le sud, sur les traces de la meurtrière potentielle. 
Le suspense est intense, et l'ensemble est nourri de réflexions et de remarques piquantes sur la cohabitation franco-britannique. En dépit de quelques ficelles manquant quelque peu de finesse, le texte est prenant et (excusez le jeu de mots ...) bien ficelé. 

La rose pourpre et le Lys, Michel Faber

Après l'avoir abandonné une première fois, déroutée par le style, j'ai repris ce roman avec un plaisir insoupçonné. J'ai accepté de me laisser embarquer par la narration au vocatif du narrateur, ne me suis pas laissée dérouter par ses apostrophes, et ai pris plaisir à le suivre à la rencontre de ses personnages hauts en couleur. D'ailleurs, une fois qu'on a rencontré Sugar et William, on a vraiment envie de poursuivre la lecture.
Sugar est sans doute la fille de la couverture... une courtisane étrange, toute en rousseur et en os, qui offre aux hommes tout ce qu'ils désirent...en dépit des tabous un peu surprenants pour nous. 
Imaginer le Londres du XIXème siècle est un jeu d'enfants grâce à Michel Faber, qui nous guide (au sens premier du terme), à travers le dédale de ses rues et le seuil des maisons closes.  La lecture est un vrai plaisir, mais je dois reconnaître qu'il faut avoir le temps et ne pas être trop pressé. Je dois donc me confesser... j'ai abandonné le premier tome aux deux tiers... pour lire autre chose. Non pas parce que je me lassais des aventures de Sugar et William; au contraire. Mais parce qu'elles n'arrivaient pas assez vite à mon goût. Toutefois, je compte vraiment reprendre ma lecture un jour prochain !

Petit mot sur l'abandon de livres : Je me rends compte que je fais partie de cette espèce de lectrice sans scrupules, qui laisse le livre lui tomber des mains dès lors que la magie n'opère pas ou n'opère plus. C'est souvent en lien avec la vie, avec ce que j'attends d'un livre à un moment précis. S'il ne me divertit pas assez, je peux l'abandonner; d'autres fois, si son style n'est pas assez bon, je peux le laisser tomber pour un roman plus "classique". La lecture dépend de mes humeurs, de mes envies, et je me fais peu de points d'honneur. Elle doit rester avant tout un plaisir, des sens et de l'esprit à la fois. 
Qu'en pensez-vous ? ???? 




vendredi 8 août 2014

Bilan de lecture de ces derniers jours

J'ai lu un certain nombre de courts romans ces derniers jours, et vais en rendre compte ici, sans accorder un article à chaque roman (non qu'ils ne le méritent pas, mais j'ai pris trop de retard !)

Chercher Proust, Michael Uras

Un roman sur Proust, mettant en scène un lecteur de Proust : il n'y avait rien de mieux pour me donner envie d'ouvrir cet assez court roman à la couverture violette, ornée d'une tête de Proust dessinée. On peut dire qu'elle donne le ton, puisque bien que l'auteur s'attaque à un monument littéraire, Marcel et son oeuvre ne sont pas traités sur un ton doctoral, bien au contraire.  
L'histoire est simple : Jacques, jeune homme mal dans sa peau, cherche sa voie à travers Proust. Proust qui lui inspire ses premiers émois, qui motive ses lectures et ses idéaux adolescents, et aussi son choix de métier. Il est tout simplement chercheur en Proust ! Il ramène d'ailleurs tout à lui, à des comparaisons avec les amours de Marcel, ses goûts, ses obsessions... Ce n'est pas facile de garder une relation stable avec une fille dans ces conditions, si on les compare toutes à Albertine la prisonnière ou à une Gilberte en fleurs ! Jacques cumule les gaffes et les relations d'un soir (avec des femmes vénales... on est bien loin d'Albertine!). Le personnage principal est haut en couleurs, plein de névroses proustiennes; on a un peu pitié de lui, il est souvent ridicule, mais il est très attachant. Il en devient presque un mini-Proust puisqu'en définitive, les points communs entre Marcel et Jacques se rejoignent et la boucle est bouclée (comme pour La Recherche) : ils deviennent écrivains !

La Liste de mes envies, Grégoire Delacourt

Quand la petite mercière d'Arras découvre qu'elle a choisi les numéros gagnants du loto, elle n'arrive pas à changer sa vie. Son magasin, son mari Jocelyn (ça ne s'invente pas!), ses enfants qui sont grands maintenant, son blog qui dépasse le millier de visites, tout va plutôt bien dans la vie de Jocelyne, elle n'a pas besoin de choses extraordinaires ni d'envies extraordinaires. Elle dresse des listes, mais on est surpris de constater que ce sont des listes que n'importe qui ou presque pourrait dresser, sans forcément avoir gagné à la loterie. Jocelyne est une femme humble, attachante, aimante et généreuse; c'est un personnage que j'ai beaucoup apprécié. Ce qu'elle fait de son chèque correspond tout à fait à cette personnalité simple et posée : elle le cache, dans un placard, dans une chaussure. Jusqu'au jour où le chèque disparaît...

Puisque rien ne dure, Laurence Tardieu 

Un soir de juin 2005, Vincent prend la route pour rejoindre Geneviève qui l'appelle à l'aide. Elle a besoin de lui pour pouvoir mourir. Vincent se rend donc à son chevet, et au cours de sa route, on en apprend davantage sur la situation : Geneviève et Vincent ont vécu quinze ans ensemble et ont eu un enfant. Une enfant qui un jour a disparu. La perte de l'enfant a alors sonné la glas de la perte du couple...
Comme toujours avec Laurence Tardieu, stigmate de son processus d'écriture, on apprend les choses peu à peu, à travers ce "work in progress" un peu déroutant mais pourtant envoûtant. Le rythme est lent, un peu haché, on s'y perdrait presque, parfois on ne comprend pas où tout ça veut en venir (surtout au début). Les thèmes du roman sont oppressants, déprimants (la perte, de l'enfant, du couple, mais également la perte de la vie), mais ils font réfléchir. Toutefois ce n'est pas le texte de Laurence Tardieu que j'ai préféré pour le moment.