vendredi 30 mai 2014

Amour, psychoses et mariage

Le roman du mariage, Jeffrey Eugenides

En plus d’être attirée par le fait qu’il ait été sélectionné par les lecteurs de la collection Points, le sujet de ce roman m’a également interpellée : l’amour et le mariage. En outre Jeffrey Eugénides, comme je l’ai appris plus tard, est l’auteur de Virgin Suicide, qui était un roman avant de devenir le film que l’on connaît. Le roman du mariage me semblait vraiment valoir le coup.
Je l’ai donc ouvert avec un certain empressement, mais les premières pages m’ont déçue. Le style est anarchique, on passe d’un sujet à l’autre sans aucune harmonie (j’ai été jusqu’à me dire que c’était fait exprès… mais je n’en suis pas certaine, même à l’issue de ma lecture). Le premier paragraphe était extrêmement prometteur, avec des allusions littéraires à foison. Mais après… ça se gâte. On est immergé dans la vie de Madeleine, étudiante en littérature anglaise et américaine, qui s’apprête à recevoir son diplôme. Ses parents arrivent un lendemain de cuite, elle est sale, vaseuse et ne se souvient plus avec qui elle a passé la nuit. L’auteur s’appesantit sur le lavage des dents, le menu du petit-déjeuner et les réflexions étranges du père. Mais au bout d’une cinquantaine de pages, ça y est, c’est bon, l’histoire et les personnages sont bien installés. On suit alors les aventures amoureuses de Madeleine, étudiante un peu niaise et personnage un peu creux certes, mais qui a le don d’attirer l’attention des garçons les plus tordus du campus.
Tout d’abord il y a Léonard, un brillant étudiant que Madeleine rencontre à un cours de sémiologie. Il suit ce cours en option, puisqu’il est avant tout étudiant en biologie. Madeleine tombe amoureuse de lui presque au premier regard, mais ils mettent du temps à sortir ensemble. Ou plutôt, devrais-je dire, Madeleine met du temps avant de s’engager dans ce qui sera la plus grosse erreur de sa vie. Léonard est maniaco-dépressif, bipolaire comme on dit aujourd’hui. Et cette tendance ne fera que s’accentuer lorsque ces deux-là vont rompre une première fois. Suite à cette épreuve, Madeleine va devenir, en quelque sorte, l’infirmière de Léonard.
Ensuite il y a Michel. Comme l’ange, il est un peu illuminé et c’est dans le cœur de Madeleine qu’il aimerait faire une marque. Contrairement à Léonard, il n’est pas séduisant, il n’est pas extrêmement brillant et surtout, il n’est pas imbu de lui-même. Le seul point qu'ils ont en commun est de tomber amoureux de Madeleine. Après avoir été éconduit par elle alors qu’il était persuadé qu’il l’épouserait un jour, il entame un périple en Inde, d’où il reviendra transformé.
Pendant ce temps, Madeleine vit un cauchemar avec son Léonard, mais ne s’en rend pas vraiment compte : l’amour et l’impression de se rendre utile lui font omettre le caractère mortifère de la situation.

Je n’irai pas plus loin, sinon je vais spoiler. Toutefois je peux dire que je ne me suis pas ennuyée avec ce roman, dont j’étais pressée de connaître la suite. Par ailleurs, les allusions littéraires nombreuses lui confèrent une dimension supplémentaire (le titre du roman est d’ailleurs dû à l’intitulé du cours et du mémoire réalisé par Madeleine, et dans lequel elle évoque Jane Austen et d’autres « romanciers du mariage). Un bon roman, mis à part les premières pages et le personnage de Madeleine, qui manque de profondeur et sans doute d’un brin de folie (ou de mysticisme). 

Simone IN LOVE

                                                                            
 Beauvoir in love, Irène Frein

Quand j’ai vu ce roman dans la librairie, je n’y croyais pas. Je me suis dit : « un roman de Beauvoir que je ne connais pas ? Un livre sur Beauvoir que je n’avais jamais vu ? ». Je dis cela sans prétention ; c’est simplement parce que j’adore cette auteur et ai beaucoup lu à son sujet. Mais en réalité, c’était une nouvelle sortie de la collection Points en livres de poche ! Je connaissais Irène Frein pour son roman Les naufragés de l’île Tromelin, mais je n’aurais jamais imaginé qu’elle publie un roman sur Simone !  Je me suis donc empressée de l’acheter et je l’ai lu dès lors que j’ai eu fini Jane Eyre. J’ai eu du mal à le lâcher. La narration est assez rapide, il n’y a pas de temps morts, le style laisse transparaître l’intensité de la relation qui unie Simone et Nelson Algren. Maintenant, laissez-moi vous raconter un peu…

Peu après la guerre, Simone de Beauvoir se rend aux Etats-Unis pour visiter ce pays dont Sartre, son amour nécessaire, lui a tant vanté les beautés et surtout les disparités. Là-bas elle s’ennuie, Sartre n’est pas là et en plus, il file le parfait amour à Paris avec Dolorès. Les conférences auxquelles elle va participer pour promouvoir l’existentialisme sont peu nombreuses, et la vacuité de son agenda la laisse sans force. Elle se dit qu’elle va profiter de ce temps libre pour aller voir les bas-fonds de New-York, mais également de Chicago. Pour être immergée au mieux dans l’univers des miteux à la Céline, elle va chercher un guide. Par hasard, on va lui parler d’un auteur, Nelson Algren, qui habite Chicago et justement côtoie les bouges de la ville. A force de persévérance, elle finit par le convaincre de la rencontrer. A ce moment là, elle ne sait pas que sa vie va prendre un tournant inattendu…

Entre eux, c’est comme un coup de foudre, mais qui ne sera consommé que plus tard. Simone reviendra en effet à Chicago pour le revoir, dans son appartement, et ce seront les débuts d’une passion, tant exceptionnelle et magique, que brûlante et destructrice.

Irène Frein s’est intéressée de près à cette période de la vie de Simone, de 1947 à 1950. C’est une période très riche littérairement, qui va lui inspirer sa plus grande œuvre, le Deuxième Sexe, ainsi que les prémices de ce qui deviendra les Mandarins. Mais c’est également une période de sa vie méconnue et mal connue. En effet, peu de souvenirs ont été transmis à travers l’autobiographie de Simone, et cette passion a été vue, de France, comme une sorte de lubie sexuelle. En réalité, il s’avère que cet amour contingent a été la seule et véritable passion amoureuse de Simone. Une passion dans toutes ses acceptions, avec ses moments hors du monde, l’abandon total de soi, le manque, la folie, les larmes, les cris ; tout le panel des émotions y passe. Et Irène Frein retranscrit cela d’une main de maître, suivant le rythme des émotions des amants tel un chef d’orchestre.

On apprend des détails touchants sur Simone, qui est présentée dans toute son ambivalence, à la fois éminente intellectuelle et femme-enfant sensible et idéaliste. Un élément marquant est le carnet dans lequel Simone et Nelson écriront chacun leur tour, chaque jour, pour décrire leurs journées, et surtout tester la vérité des sentiments de l’autre. Leur sincérité est à rude épreuve ; en effet, tous les deux sont prisonniers : Simone de son amour nécessaire pour Sartre, auquel elle ne peut s’empêcher de penser et auquel elle est liée jusqu’à la mort. Nelson de sa « maudite sensation », cette sorte de spleen furieux qui s’empare de lui sans qu’il sache pourquoi. Ces entraves empêchent les deux écrivains de vivre pleinement leur amour, qui eut pu les mener au mariage. Nelson est en effet plus qu’épris de Simone, et se voit bien faire sa vie avec elle. Mais il y a Sartre… et il ne laissera pas échapper son Castor.
Pendant deux ans, les amants oscillent entre passion sans nuages et journées de tempête, à l’issue desquels le carnet est noirci de termes exécrables, effroyables, odieux. Eros et Thanatos n’ont jamais été aussi proches dans leur tango macabre. Les lettres fusent, les rencontres s’enchaînent. Décevantes au début car on ne reconnait plus celui ou celle qu’on a tant idéalisé en souvenir, puis fabuleuses, avant que les chaînes de chacun ne les rappellent à l’ordre. Ils finissent par ne plus se voir, mais continuent de correspondre ; mais surtout, ils restent vivants à jamais dans le souvenir de l’un et de l’autre. Simone, après l’avoir eu dans la peau, le garde près d’elle jusqu’à la mort, emmenant son anneau dans sa tombe. Nelson, lui, peu avant sa crise cardiaque, réalise un collage émouvant à partir de photos de Simone et d’articles de presse publiés à son sujet.

Irène Frein a réalisé un roman remarquable, à partir de faits avérés, retrouvés dans les archives de Simone et Nelson. Elle a agi en biographe, et si le résultat est romancé, c’est pas souci de sincérité. En effet, les archives concernant Nelson sont peu nombreuses ou inaccessibles ; par conséquent, la solution la plus respectueuse était de romancer les passages obscurs. Toutefois elle ne dupe à aucun moment le lecteur, puisqu'elle indique ses sources (sans que le roman en soit chargé, au contraire, on a véritablement l’impression de lire un roman d’amour).

Bref, un fabuleux ouvrage, que je suis heureuse de posséder pour compléter ma petite collection sur Simone, et qui m’a également donné envie de relire Les Mandarins (cette passion est racontée de manière assez brève mais sans ambiguïtés dans le tome 2). En plus de cela, j’avais été extrêmement captivée et marquée par cette lecture, que je serai heureuse de reprendre. 

Pour plus d'informations, je vous invite à vous rendre sur le site consacré à l'ouvrage (oui oui, un site rien que pour lui !), où vous trouverez des interview vidéo, des images et de nombreuses informations regroupées par l'auteur avant l'écriture du livre. 

mercredi 14 mai 2014

Jane Eyre

       
« Le livre qui vous a sauvé la vie ». C’est une expression que j’ai entendue il y a longtemps, dans la bouche d’une prof de Fac. Elle disait qu’elle en avait rencontré, elle, des livres qui lui avaient sauvé la vie. Je ne me souviens pas si elle avait cité un titre… mais je me souviens que je m’étais dit : « et moi, est-ce qu’un livre m’a déjà sauvé la vie ? ». Sur le coup je n’avais pas trouvé de réponse. Mais je suis en mesure de dire aujourd’hui, plusieurs années plus tard, qu’il y en a eu, et même plus que ce que je crois. Celui dont je vais vous parler en fait partie. Je ne dirais pas en fait qu’il m’a sauvé la vie, je n’étais pas non plus au bord du gouffre, au point de me retenir aux derniers lambeaux de sa couverture. Mais il a redonné un goût perdu à ma vie de lectrice. Dans ce cas oui, finalement, il m’a en quelque sorte sauvé la vie, ou plutôt ramené à la vie.
      Ce livre c’est Jane Eyre, de Charlotte Brönte. Déjà, le livre en lui-même est assez exceptionnel : c’est une édition de 1946, couverture en carton kraft, pages coupées, lambeaux qui s’effilochent dans le lit quand on le dévore (c’est le cas de le dire) tard le soir. Comme les miettes d’un sandwich ; un truc bien revigorant. Mais un sandwich au roosbeef, une belle viande anglaise. Avec une fine moutarde et quelques délicates feuilles de salade. Moui, la comparaison de Jane Eyre avec un sandwich est pas mal finalement : la rudesse des caractères avec le rosbeef, le piquant du personnage qui ne se laisse pas faire (moutarde qui relève le tout) et la fine laitue, pour le style. Un style victorien sans fioritures et pourtant si désuet ! Ce livre, ce style, à part des miettes de pages, je n’en ai rien laissé. Parfois je me disais : j’ai quand même hâte de voir quand est-ce qu’elle va lui avouer que … (je ne dévoilerai pas grand-chose, pour ceux qui n’auraient pas encore eu le bonheur de lire ce livre magnifique !) (je savais ce que j’allais découvrir, dans l’ensemble, puisque j’avais déjà lu ce roman il y a quelques années de cela), bref, j’avais envie de passer des phrases, voire des pages, mais impossible de lâcher un mot !! Malgré le style désuet, un rien ampoulé, l’équilibre est tellement parfait qu’on ne laisse rien. Et ce roman, c’est exactement ça : un équilibre parfait : dans la construction, dans l’intrigue, dans son style et dans ses personnages. Même, dans mon cas, dans l’objet même. Un chef d’œuvre donc.
          Jane Eyre est magnifique : une maîtresse femme malgré sa rude enfance et son apparence fluette. Elle a peur des fantômes mais c’est pour mieux s’en sortir après, face aux terreurs que va lui infliger, malgré lui, ce cher Rochester dans son château de Thornfield (champ d’épines, rien que ça !). Des épines il y en a, beaucoup même, mais il y a surtout la rose ! Rien à voir avec les émissions quasi pornographiques d’aujourd’hui, même si le symbole de la rose reste un peu le même : l’amourrr, toujours l’amour ! Mais on aime ça, et ce roman est un des plus beaux romans d’amour que j’ai eu à lire.
       Seul bémol dans cette histoire (car tout chef d’œuvre a son imperfection, sinon je ne pense pas que ce soit un chef d’eouvre digne de ce nom) : la dernière partie, et surtout les échanges avec John le pasteur. Mais bon, Charlotte Brönte étant fille de pasteur, on peut comprendre.
        Voilà, j’arrive au bout de ce que je voulais partager concernant Jane Eyre. Je ne répéterai pas que c’est un chef d’œuvre (sic…) mais en tout cas, je vous invite vraiment à le lire, et même le relire. Son action bénéfique est toujours la même.

        Ah oui, pourquoi est-ce qu’il m’a ramenée à la vie, « lecturellement » parlant ? Et bien parce qu’avec lui j’ai tout oublié, et que je l’ai lu en quelques traites seulement. Un vrai miracle, qui m’a relancée sur la route, à une bonne vitesse de croisière. 

vendredi 9 mai 2014

Un nouvel Auster, pour relancer la machine !



Moon Palace, Paul Auster

J’étais persuadée d’avoir lu les principaux romans de Paul Auster ; alors forcément, Moon Palace devait en faire partie. J’étais prête à parier. Hors, par un heureux hasard, une amie me l’a prêté, je l’ai feuilleté et je me suis dit : « Si jamais je l’ai déjà lu, c’est que l’amnésie (ou la vieillesse…) m’a frappé de plein fouet. » En réalité, je n’avais jamais ne serait-ce que mis le nez dans ce roman au titre pourtant familier. Heureusement que je n’avais pas parié, finalement.
Pressée de renouer avec les émotions que ne manque jamais de me donner un bon roman de Paul Auster, je me suis donc plongée sans autre forme de réflexion dans l’espace stellaire et confortable que promet le titre. J’ai été conquise au début. J’ai immédiatement reconnu ce qui fait que cet auteur est un de mes auteurs préférés : un personnage attachant donc on il nous fait partager la vie dans les moindres détails, une tranche de vie emplie de coïncidences et de résonnances. Auster nous fait entrer dans la vie de Fogg en plein virage. La route va alors devenir chaotique, voire carrément dangereuse. J’ai eu du mal à lâcher le livre pendant tous ces épisodes. En plus, comme souvent, le personnage a un rapport assez particulier avec les livres et la littérature. Celui-ci n’est pas un véritable écrivain, mais il pourrait nous le laisser croire. Son rapport aux livres est dès le début hiératique et quasiment charnel (sans trop dévoiler, je peux vous dire qu’il va s’en servir pour meubler son appartement). Ce sont toujours les mêmes motifs qui reviennent, ceux de Paul Auster, et encore une fois je n’ai pas été déçue puisque ces motifs, ces obsessions, je les aime beaucoup.
Passées les cent premières pages, la vie de Fogg prend un nouveau tournant, incarné par une nouvelle rencontre, qui va infléchir le cours de son existence. Qui aurait cru que s’occuper d’un vieil homme en fin de vie réservait autant de surprises et surtout serait source de tant de concomitances ? Encore une fois chez Auster, le hasard ne nous apparait pas autrement qu’une vaste mascarade, destinée à tester les limites du personnage, mais à nous tester, nous aussi. Auster illustre son immense pouvoir de démiurge. Il tire les ficelles et nous embobine jusqu’au bout. C’est très artificiel tout ça ; on peut en être déçu. Mais c’est l’une des prérogatives d’un auteur que de créer des hasards et des coïncidences plus énormes les unes que les autres ; Auster en use et en abuse !
Ainsi on découvre que les liens qui unissent les personnages sont plus proches que ce qu’on pouvait imaginer, et l’histoire nous emporte alors sur des voies trop rapides. Tout s’accélère un peu trop, les coïncidences deviennent trop encombrantes, et les détails avec. Ici réside le paradoxe de cette fin de roman : trop longue dans ses descriptions, trop rapide dans son synopsis. Toutefois cela n’entache pas mon admiration pour cet auteur, qui semble dévider une bobine au fil de ses idées, sans toutefois en perdre la logique (au risque de jouer d’artifices parfois gênants), et n’omet jamais de laisser au fil du texte ces motifs en écho (ici, c’est forcément la lune) que je suis contente de croiser au cours de la lecture.

Tout ceci n’est bel et bien qu’abondance d’artifices (avec toutefois, au premier plan, des aventures fortes et touchantes), mais c’est ce qui me plait dans ce roman. On est en plein dans la littérature, même si ce n’est pas le meilleur roman d’Auster (j’ai en tête Sunset Park, dans lequel les aventures des personnages sont plus plausibles et donc plus fortes). 

mercredi 7 mai 2014

La singulière lecture du roman méconnu de Points

La singulière tristesse du gâteau au citron, Aimée Bender

On peut dire que ce titre est selon moi un bon titre. Tout d’abord il intrigue : on se demande ce que peut bien avoir à faire un gâteau au citron dans un roman. On s’attend à une histoire sucrée, légère. Une histoire de cuisine, de pâtisserie, d’enfants, que sais-je… Mais n’oublions pas la première partie du titre ; il est tout de même question de tristesse. Un gâteau peut-il être triste ? Surtout un  gâteau aussi ensoleillé qu’un gâteau au citron ?
Toutefois l’essentiel n’est pas là. Il réside bien plutôt dans le premier mot, le premier adjectif : la singularité. Tout est en effet singulier dans ce roman. En commençant par son titre.
Comme on pouvait s’y attendre, le personnage principal est une enfant : Rosie, qui a neuf ans au début de l’histoire, se découvre un don (ou peut-être est-ce plutôt un fardeau…) : elle goûte les émotions des autres à travers la nourriture. Elle fait cette amère découverte le jour de son anniversaire, en goûtant le gâteau au citron préparé par sa maman. Plutôt que le parfum acidulé du citron, c’est le vide et l’amertume de sa maman qu’elle goûte. La nourriture lui devient alors insupportable, et les choses ne vont pas aller en s’arrangeant. Plus elle prend conscience de cette étrange capacité, plus elle en souffre. Rosie ne peut plus passer à table sans appréhension, puisque les émotions contenues dans les aliments sont les plus pathétiques de la nature humaine. Les pires étant celles des plats préparés par sa maman. Afin de trouver un peu de sérénité dans ce qu’elle mange, elle se tourne vers les distributeurs, les plats tout prêts, les aliments bruts. Puis, au fil de sa quête d’un repas qui la nourrisse sans la déprimer, elle se met à faire le tour des restaurants du coin, à la recherche du cuisinier heureux qui saurait lui faire goûter un peu de joie.
A ces questions d’émotions et de cuisine, s’emmêlent les émotions de Rosie qui vit ses émois d’adolescente, mais également ses inquiétudes à l’égard de son frère. Lui aussi possède une sorte de « don » qui le rend absent au monde, au sens propre du terme. Je n’irai pas plus loin, au risque de spoiler !


·         Je terminerai simplement par une remarque : ce livre a été sélectionné par les lecteurs de POINTS en 2014, et pourtant je ne l’ai trouvé que dans une seule librairie (la Librairie Ryst, à Cherbourg !). Or ce roman vaut vraiment la peine d’être connu, et lu. Il est extrêmement singulier, mais c’est cette singularité qui en fait la richesse. Et son titre… que dire d’autre encore, à part que la définition d’Umberto Eco me semble bien appropriée :  Un titre doit embrouiller les idées, non les embrigader.