dimanche 30 novembre 2014

Vie de cour

Vivre à l'époque du faste de Versailles... rêve ou cauchemar ?

C'est la question qu'on peut se poser, au vue des clichés véhiculés dans les manuels d'Histoire et à la télévision. Mais qu'en est-il ? Deux livres m'ont permis de débrouiller un peu l'affaire... 

La vie à l'époque de Louis XIV et encore après lui m'a toujours intriguée. Ces histoires d'étiquette, de faux-semblants, de théâtre social et de stupidité dissimulée font ressortir des facettes de l'homme qu'aucune autre époque n'a pu mettre en lumière. Etre un aristocrate à cette époque était presque pire que de vivre à la campagne en ne lavant ses vêtements qu'une fois par an. Non seulement on était sale aussi, mais on devait paraître propre et apprété. On se couvrait donc de parfum et de vêtements plus encombrants ou presque que les armures du Moyen-Age. En plus de cela, on ne pouvait être soi-même, sauf peut-être dans ses rêves... Tout le monde regardait et surveillait tout le monde. Le témoignage le plus pertinent et surtout sans langue de bois de tout cela sont sans doute les Mémoires de Saint-Simon à la plume acérée. Ce que j'ai beaucoup aimé dans les deux livres que j'ai lus, (et dont il va bien falloir que je parle au bout d'un moment !) est qu'ils faisaient souvent des liens et des références à l'ouvrage de ce sans-coeur de duc frustré (frustré parce qu'il voyait peu à peu les simples mortels, sans titre, accéder aux prérogatives autrefois réservé aux dignes descendants des nobles familles, comme pour les postes de ministres par exemples. La reconnaissance des bâtards du roi aura été le coup de grâce pour son ego ducal). 

Le premier d'entre eux est Le Roi Soleil se lève aussi, de Philippe Baussant. Je l'avais déjà lu il y a quatre ans environ, et avait d'ailleurs posté un article à son propos sur mon ancien blog. Je m'y suis replongé avec autant sinon plus d'intérêt. La forme de l'ouvrage est intéressante puisqu'il s'agit pour l'auteur de gloser à partir des diverses étapes de la journée de Louis XIV. Les digressions sont nombreuses mais on ne perd jamais le fil. Le ton est léger mais le contenu documenté et précis. L'auteur bat en brèche les préjugés que l'on peut avoir sur cette période fastueuse, en nous montrant que la vie de roi n'a rien d'une sinécure : toujours se lever à la même heure, toujours suivre les mêmes rituels, et surtout toujours tout faire comme un personnage de théâtre observé par son public. Aucune liberté, que de la mise en scène, et ce jusque dans les affaires les plus intimes (sauf peut-être dans les alcôves, fautes de caméra infra-rouge sans doute). Tout se voit et tout se sait. Terrible vie ...
J'ai cette fois aussi énormément apprécié les sources à la fois historiques et littéraires de l'auteur, et son talent à convoquer chacune au bon moment. Ainsi il nous explique par exemple que ce que nous raconte Molière à propos des médecins de cette époque de charlatans n'est que trop vrai ...
Un excellent moment de lecture, encore une fois je l'ai lu très vite, et encore une fois avec un immense intérêt. C'est vraiment une pépite pour découvrir l'Histoire sans en passer par d'obscures essais.  

Quelques jours après, forte de mon intérêt pour cette époque de la royauté, je suis tombée sur le livre de Chantal Thomas dernièrement sorti en poche : L'Echange des Princesses
Je ne savais trop à quoi m'attendre, mais un livre sélectionné pour le Goncourt et qui traite de l'Histoire ne pouvait que me tenter. Je m'en suis donc emparé un matin pour ne le quitter que deux jours plus tard. Je l'ai vraiment lu d'une traite.
A quoi peut bien être dû cet engouement me direz-vous ? Sans doute au talent de romancière de cette historienne, qui elle aussi a su allier fiction et précisions historiques. Le thème en lui même n'y est sans doute pas pour rien : il traite des mariages forcés de la propre fille du Duc d'Orléans, Mademoiselle de Montpensier, princesse des Asturies, avec l'héritier du trône d'Espagne, et de la très jeune soeur de celui-ci, L'Infante (trois ans et passionnée de poupée) avec le futur Louis XV, alors âgé de 11 ans. Tout ça pour que la paix règne entre les deux pays... C'est bien utile la paix, mais on n'imagine pas la profondeur du sacrifice intime des quelques malheureuses victimes. 
L'intérêt du livre tient aussi dans la narration en dyptique et en alternance des deux existences des princesses, l'une qui peu à peu devient folle et nymphomane, et l'autre qui, en plus de ses poupées, se met à adorer son mari. Mais à trois ans, peut-on être aimé d'un adolescent ? La petite Infante est touchante dans sa naïveté et dans l'énergie dépensée à plaire à la cour et à son roi. C'est d'ailleurs tout l'inverse qui se produit en Espagne : la princesse des Asturies, bien que dans les bonnes grâces de son mari (lequel demandait d'ailleurs à corps et à cri son portrait avant même de la rencontrer, et pas pour les dévotions romantiques qu'il prétendait lui accorder...), ne se fait pas du tout à la vie de la cour espagnole et sombre peu à peu dans des déviances névrotiques et perverses assez effrayantes... Deux faces d'une même médaille, vouée à la destruction. 
L'auteur a du jongler avec ces deux personnalités totalement bridées par l'étiquette, ne pouvant exprimer leurs aspirations profondes. Cela a conduit la très jeune infante au repli, et la fille de Philippe d'Orléans à la folie. Pour survivre dans ce monde, il faut parvenir à aliéner son naturel à l'intérieur de soi aux prix de grandes souffrances intimes. Mais si l'on n'en a pas la force de caractère, il peut arriver que les barrières explosent et que, telle une hernie mal soignée, le naturel putréfie ne répande son fiel... 
Le pire dans toute cette histoire, c'est que ce ne furent que souffrances et destructions inutiles, puisque jamais on ne parvint à faire de ces victimes expiatoires les "ventres à héritiers" qu'on attendait. Le fiasco de l'entreprise a été d'autant plus difficile pour les enfants que justement, elles n'étaient que des enfants ! A l'époque ils étaient considérés comme des "adultes en miniature", mais quand on voit à quel point la psychologie infantile influe sur le reste de l'existence, le sort de ces deux-là semble encore plus terrible...

Bref, la chair à canon n'est pas toujours celle qu'on croit, et même en temps de paix beaucoup de mal peut être fait. Les 17ème et 18ème siècles à la cour, avant la Révolution, regorgent de ces exemples de sacrifices de l'humain au profit de l'étiquette, et c'est ce qui me révolte et me fascine à la fois. 

samedi 29 novembre 2014

Retour d'ado lescence

  Ces temps-ci j'ai souvent envie de romans légers, sans prise de tête et qui se lisent vite. 

J'avais lu un jour, dans plusieurs copies de mes chers petits élèves, le titre Coeur Cerise. Ils (et surtout elles, soyons lucides !) avaient l'air d'adorer puisqu'il est revenu plusieurs fois. Je me disais que j'allais leur demander de me le prêter... et puis finalement j'ai oublié, mais voilà que je tombe dessus, en format poche, dans le carton magique des nouveautés fraîchement arrivées au CDi. Je l'emprunte donc en avant-première, avec l'accord de ma collègue (mais j'ai plus de 11 ans donc ça va, elle me le donne (ouf!)). 
Je me suis dit au début que ce serait sûrement assez culcul, mais finalement je me suis laissée emporter par l'histoire de Cherry, jeune fille orpheline de mère et qui va habiter dans la maison de la nouvelle fiancée de son père. Cherry se sent forcément mise à part vue cette histoire personnelle difficile. L'affaire se corse puisque la fiancée en question n'a pas moins de ... quatre filles... Il va donc falloir que Cherry s'intègre dans cette grande famille, elle qui a toujours eu du mal à se faire des amis. Toutefois, malgré quelques heurts, tout se passe plutôt bien (on est dans un roman pour la jeunesse quand même !). 
Ceci dit les heurts ne sont pas si minimes, puisqu'ils concernent un amour interdit et la trahison d'un parent (sans oublier que Cherry n'a plus sa maman, mais un papa formidable). Des sujets délicats mais traités avec une certaine légèreté (sans pour autant être trop culcul). Certes l'histoire de la fête du chocolat (qui a donné son nom aux filles, les "filles au chocolat") est un peu ridicule, mais le reste est plutôt convaincant. Cherry est très attachante bien que les personnages ne soient pas d'une grande profondeur, et c'est à cela, selon moi, que tient la réussite de ce court roman. 
Un bon moment de lecture. Je ne pense pas tout faire pour me procurer la suite, mais si Coeur Guimauve (dont j'ai lu les premières pages à la fin de l'édition de poche de Coeur Cerise) me tombe sous la main, je m'y plongerai sans doute volontiers ! 

Un autre point important en faveur de ce roman : sa couverture ! Elle est vraiment mignonne et donne envie. Surtout en petit format de poche (les grand format, avec la taille de police pour myopes, est selon moi un peu rebutante). Je l'ai donc prise en photo, et y ai ajouté mon super marque-page girly en pâte Fimo et crosse de bergère glamour offert par ma maman. Son cup-cake rose colle parfaitement avec cette couverture à croquer.


 

Le marque-page idéal pour compléter ce livre :p. 

mardi 11 novembre 2014

Lectures de week-end, de vacances et de pluie

Ma liste de livres lus s'allonge, et je ne poste toujours rien. Je vais profiter de cette journée de commémoration pour faire moi aussi un bilan.
Les vacances de la Toussaint m'ont donné l'occasion de lire plusieurs livres, assez courts dans l'ensemble. Ces derniers temps j'apprécie la simplicité et la rapidité de lecture, sorte de zapping divertissant. Cela permet aussi d'alterner romans légers et autres plus profonds (quoi que j'aie laissé de côté les classiques depuis quelques mois, sauf pour mes chers élèves). Voici donc le résultat de mon zapping

La vie d'une autre, Frédérique Deghelt

J'avais été plutôt déçue il y a de cela quatre ans par son autre roman, La Grand-Mère de Jade, que j'avais jugé un peu niais. J'entamais donc ce livre avec quelques réticences, me donnant l'autorisation de le laisser de côté si jamais je ressentais ne serait-ce qu'une once de déception. 
A peine ouvert que j'avais lu 50 pages ; je vous laisse juge :).
J'avais chaque fois hâte de découvrir ce qui allait arriver à cette jeune femme qui voit disparaître de sa mémoire 12 années de sa vie, comme on passerait 200 pages d'un long roman. Elle se retrouve dans les bras de son amant Pablo, comme amnésique, alors qu'il est devenu son mari. Deux enfants se jettent sur elle ; ce sont les leurs. Voilà sa vie. Mais elle n'a pas oublié qu'elle a oublié, et c'est là que ça se complique. Elle est la même mais sans les ravages du temps. Une chance finalement, elle a pu laisser son passé derrière elle, mais le fait de ne pas comprendre ce qui lui arrive, de ne pas connaître la joie de la vie à deux ou celles de mettre ses enfants au monde lui manque. Peu à peu on comprend avec elle ce qui a pu la pousser inconsciemment à tout oublier (processus quasi surréaliste, on en convient dès le début, quoi que je ne me serais pas autorisé à utiliser l'adverbe "quasi" à ce moment là... On se prend finalement au jeu et on admet qu'oublier a tout de même du bon). 
Pour la référence au titre, c'est bien la vie d'une autre qu'elle prend en main, mais ça reste tout de même sa vie puisqu'elle a conservé son identité. Elle a juste oublié les moments les plus intenses et les plus déterminants de ce que sera son existence, et en définitive ce n'est pas plus mal quand ce sont les plus douloureux. Après la frayeur liée à l'étrangeté de ce qui lui arrive, l'héroïne (et nous-même) comprenons la chance qu'elle a de revivre sa vie. 

En trois mots : psychologie, suspense et sentimentaliste (mais sans trop de niaiserie). 

Lennon, Foenkinos   

Grâce à ce roman bien mené et bien écrit, j'en ai beaucoup appris sur la vie de ce Beatles, dont je ne connais finalement que quelques chansons. Le précédé est intéressant, je m'attendais cependant à ce que le psy prenne la parole mais non, finalement c'est le monologue de Lennon lui-même, qui revient sur les choix de son passé et ce qui l'a forgé. Il parle beaucoup de sa mère et de son abandon, qui selon lui expliqueraient les difficultés de sa jeunesse (et ses affres de star). L'analyse est donc très psychanalytique, sans que le psy n'ait prononcé un mot (ou en tout cas, on ne le sait pas). 
J'ai lu ce roman très vite et ce fut un vrai plaisir. Jamais je n'aurais ouvert une biographie de John Lennon en d'autres circonstances, c'est donc une forme intéressante. 

En trois mots : original, captivant, bien mené



Confessions d'une accro du shopping, Sophie Kinsella

Je voulais lire quelque chose de léger, pas prise de tête, et je me suis rendue compte avec Demain, j'arrête que la chick-litt était l'idéal pour cela. Je me suis donc empressée de me procurer l'archétype du genre : l'accro du shopping.
Je n'ai pas été déçue. On lit vite, on imagine aisément tout ce qui se passe, on s'identifie (plus ou moins), et surtout on passe de bons moments. C'est le genre de livre réconfortant qu'on est content de retrouver dans son lit le soir ou sur le canapé le week-end. Il vaut toutes les émissions débilitantes du monde, la débilité passive en moins. Une excellente alternative pour celles (et ceux) qui attendent du plaisir et de la détente à la lecture d'un roman. Petit plus non négligeable : on rit de la naïveté candide de l'héroïne, et c'est rare que je ris en lisant un roman.
On rit parce que Becky ne sait pas gérer son budget, qu'elle dépense toujours plus, qu'elle a le don d'oublier ce qui la dérange et de se retrouver dans des situations toutes plus abratabrantesques. 

En trois mots : divertissant, frais et rigolo. 


Un secret, Philippe Grinbert

J'ai dévoré ce roman. J'avais déjà vu le film (d'ailleurs deux des livres dont je parle supra ont également été adaptés, mais je ne les ai pas vus) mais le roman est encore meilleur. L'histoire du narrateur est très émouvante, et commence à la manière proustienne : "Fils unique, j'ai longtemps eu un frère". D'emblée le lecteur est happé par le secret que le petit garçon ressent au plus profond de lui. Malingre et chêtif, il va lutter toute sa jeunesse avec ce frère robuste et plein de vie, à l'image de son père. Jusqu'au jour où Louise, la voisine et amie, lui raconte tout. 
Encore un récit sur l'holocauste, mais à travers l'histoire (quasi autobiographique) d'un petit garçon qui a souffert d'un énorme secret de famille. On en découvre avec lui un peu plus à chaque page, on est ému et tenu en haleine. C'est un très grand roman, primé par la Goncourt des Lycéens. Le thème  principal lié au contexte historique est fort, mais celui de la peine d'enfance l'est peut-être encore davantage. 

En quelques mots (s'il est possible...) : émouvant, captivant, envoûtant, désarmant, ... 
C'est pompeux tout ça, mais c'est vraiment un grand livre.