samedi 11 mars 2017

La Maison des reflets, Camille Brissot, éditions Syros

La maison des reflets, Camille Brissot
Editions Syros
Paru le 2 février 2017

Qui accepterait de laisser partir un être cher s’il pouvait le garder à ses côtés pour toujours ?

Depuis 2022, les Maisons de départ ressuscitent les morts grâce à des reflets qui reproduisent à la perfection le physique, le caractère et le petit je ne sais quoi qui appartient à chacun. Les visiteurs affluent dans les salons et le parc du manoir Edelweiss, la plus célèbre des Maisons de départ, pour passer du temps avec ceux qu’ils aimaient. Daniel a grandi entre ces murs, ses meilleurs amis sont des reflets. Jusqu’à ce qu’il rencontre Violette, une fille imprévisible et lumineuse. Et surtout, bien vivante…

J’ai beaucoup aimé le thème de cette histoire. Le nouveau rapport à la mort qu’il propose est extrêmement intéressant, poétique et un peu effrayant... Chaque jour des dizaines de personnes viennent rendre visite aux reflets de leurs défunts, qu’ils ne peuvent ni toucher ni embrasser. Mais grâce à des lentilles 3d, ils peuvent les entendre, les voir et presque les sentir. Daniel vit dans cet univers depuis toujours. Chaque soir le reflet de sa mère lui raconte des histoires avant de dormir ; son grand-père lui donne encore des conseils, alors que son reflet règne en maître sur le manoir des Edelweiss. Ses amis sont un jeune reflet de huit ans, et deux jeunes gens de 20 ans. Sachant qu’un reflet ne vieillit pas, certaines relations se complexifient à mesure qu’il grandit. Pas évident d’évoluer au milieu de silhouettes quasi fantomatiques, où seuls son père et sa gouvernante sont réels. Mais un jour, il ose sortir de la Maison. Il se rend alors à la fête foraine et y rencontre Violette, une jeune fille malade. Il passe une journée exceptionnelle avec elle, puis c’est une relation épistolaire qui se met en place. Cette partie du roman m’a parue un peu plus longue. Mais tout ce qui concernait la Maison, les reflets et le rapport nouveau aux défunts m’a beaucoup plu. La fin est également très bien pensée. J’ai beaucoup aimé que Daniel se rende compte des limites d’une telle chimère. C’est une jolie quête initiatique qui nous est proposée : adolescent, Daniel tombe amoureux en même temps que tombe le rideau de ses illusions. Il doit également faire face à de nombreux deuils, car même les reflets peuvent disparaître. Tout cela est extrêmement formateur pour de jeunes lecteurs. Un roman vraiment intelligent.


Merci encore une fois aux éditions Syros pour cette jolie lecture, assez inattendue et qui donne à réfléchir. L’écriture est également très agréable et plutôt poétique. Les courts chapitres permettent d’avancer vite dans l’intrigue.
J’ai été surprise en découvrant que l’auteur a presque mon âge. Elle en est déjà à son huitième roman, et c’est très réussi. Elle questionne avec beaucoup de douceur la question du deuil, ses rapports possibles avec la technologie, et ce qui pourrait nous attendre dans le futur. Elle explique avoir pensé au « cimetière Facebook » ; en effet les profils des personnes décédées sont encore disponibles et on peut encore y poster des messages. D’après elle, l’avènement de tels reflets n’est pas si loin de nous…

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