dimanche 1 février 2015

Bérénice, une tragédienne

Isabelle Stibe, Bérénice 34-44 
(Prix Simone Veil 2013, Prix des Grandes Ecoles 2013, Prix ENS Cachan 2013)

Le titre aurait pu être celui d'une nouvelle version de la pièce de Racine que l'on connaît, à la manière de Giraudoux et son Amphytrion 38. Or ce n'est pas une pièce de théâtre que nous livre Isabelle Stibe, mais une fiction plus réelle que l'Histoire. Elle nous raconte l'histoire de Bérénice, une jeune fille née de parents juifs qui ne rêve que de théâtre. On a plaisir à suivre son évolution vers sa brillante carrière de tragédienne. Mais cette carrière, comme l'indique le titre, sera aussi brève qu'elle fut brillante. Même si elle a réussi à longtemps le cacher, Bérénice est juive. Et inutile de rappeler qu'il ne fait pas bon être juif dans les années 40 ... 

L'histoire se résume à cela, mais pourtant c'est un roman que j'ai beaucoup apprécié. J'aurais pu craindre le déjà vu, les références à la Shoah étant plus que fréquentes dans nombre de romans, mais ce que propose Isabelle Stibe est passionnant sans tomber dans le cliché. La manière dont elle nous raconte le parcours de Bérénice est plutôt palpitante, de l'interdiction paternelle aux succès de la Comédie Française, en passant par le conservatoire et les cours de Louis Jouvet. Bérénice n'a pas existé, mais ce qu'on nous raconte est très proche de la réalité, avec les références aux sociétaires connus et aux éminents lieux parisiens. On plonge avec plaisir dans l'univers de la Comédie Française, on lit avec envie les titres de pièces jouées dans cette éminente maison, on admire Bérénice qui parvient à retenir tous ces rôles. 
Et puis arrive la guerre, et loin des clichés encore, on découvre ce qu'il advient d'un artiste pendant cette période indescriptible de l'Occupation et de la traque des juifs. Que devient-on quand on ne sait rien faire d'autre qu'interpréter les textes des autres sur scène et donner le maximum d'émotion ? Que devient-on quand on ne sait rien faire d'autre qu'être une actrice extrêmement douée, mais juive ? Avec la guerre, le rêve de Bérénice se brise. Toutefois, elle parvient à mettre l'énergie de son talent au service d'autres causes, et s'en sort. Jusqu'au jour où jouer la comédie, même dans la vraie vie, ne suffit plus, et où ce qu'on est vraiment nous trahit...

Un bon moment de lecture malgré quelques longueurs. Je comprends que le choix des élèves de l'ENS Cachan ce soit porté sur ce roman, qui fait la part belle aux descriptions de la Comédie Française et surtout du cursus honorum qui permet d'y accéder. Il est également question des recherches musicales de l'amant et mari de Bérénice sur le drame-opéra, une référence pour les étudiants en musicologie (d'après l'auteure). Forcément tout ceci aura touché les étudiants parisiens, avec en plus une certaine poésie du récit, un sens du tragique et des références plus qu'intéressantes. 

4 commentaires:

  1. J'ai justement vu ce roman dans une librairie le week-end dernier, et failli l'acheter ! (pour finalement en choisir un autre). Le thème me plait, et le lien avec la pièce de Racine m'intriguait (j'adore la pièce Bérénice ! ). Tu me donnes envie de le lire, la prochaine fois je le prendrai peut-être :)

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    1. Oui je te le conseille, d'autant que tu me sembles le public idéal pour ce genre de roman, mêlant littérature, histoire et politique :).
      Par contre il n'est que très peu question de la Bérénice de Racine...
      Bonne future lecture !!

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  2. Bien que j'aime les livres qui parlent d'Histoire, je n'ai pas trop envie de lire celui-ci...

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    1. C'est plutôt un mélange d'Histoire et de Littérature (ce que je préfère !). Dommage que ça ne t'ai pas donné envie... mais du coup tu vas lire plein d'autres choses à la place, et nous faire découvrir des titres super :p

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