jeudi 26 janvier 2012

Incroyable extrêmement

Extrêmement fort et incroyablement près, Jonathan Safran Foer

   Que penser d’Oskar, cet enfant précoce, loufoque, qui invente tout le temps, et qui est obsédé par une chose : retrouver la serrure à laquelle correspond la clé qu’il a trouvée par hasard dans la chambre de son père. Ce père qui est mort dans l’attentat du World Trade Center. Que penser de ce gamin bizarre ?
   C’est un peu ce qu’on se dit quand on commence la lecture d’Extrêmement fort et incroyablement près. Déjà on s’est dit que le titre était incroyablement long. Ensuite, qu’il était extrêmement bizarre, et troublant.
   Troublant parce que c’est un roman polyphonique. On entend tour à tour Oskar, son grand-père qu’on ne connaît pas et qu’il ne connaît pas, et sa grand-mère, à côté de laquelle il vit. On ne comprend pas tout. On saisit surtout qu’Oskar comprend plein de choses qui nous échappent, et utilise deux cent fois par jours les adverbes extrêmement et incroyablement. Mais de moins en moins au fil de pages. Comme si sa voix se perdait ; comme si sa naïveté originelle s’en allait. Dans sa quête du souvenir de son père, de la manière dont il est mort, de la serrure qui enferme les réponses que la clé peut ouvrir, Oskar se laisse porter. Au fil des rencontres il y voit plus clair parfois, plus sombre parfois. Il grandit en tout cas.

   Roman d’apprentissage, si l’on veut. Roman de la filiation oui. Roman de la parole aussi. Le grand-père d'Oskar l’a perdue cette parole ; parce que la Seconde Guerre Mondiale a ses évènements traumatisants. Alors pour s’exprimer, il utilise ses mains ; pas le langage des signes ; juste les paumes de ses mains. Là où sont tatoué les mots OUI et NON. Oui et non pour vivre, dire sa peur et son amour. Pour le reste il a ses cahiers. Ses cahiers où il écrit qu'il ne peut dire, qu'il est désolé, et enfin ce qu'il ne peut dire. Et quand il n’a pas de cahier il écrit sur les murs. Sur le corps de sa femme aussi. Sur tout ce qui peut supporter des mots.
   Les mots sont parfois durs à entendre, à accepter. Ces derniers mots que le papa d’Oskar a laissés sur son répondeur sont les derniers liens qui le relient à lui ; les seuls indices qui contiennent peut-être la réponse à cette grande question : comment papa est-il mort.
   Des thèmes durs, délicats, mais traités avec brio. Un roman construit et artistique, une œuvre multiple, un patchwork d’inventivité et de sentiments. Ce n’est pas niais, loin de là. Malgré le style enfantin de l’ensemble, tout est très profond. On est ému, on réfléchi, on rit et on peut pleurer. Un roman incroyablement grand, que j’ai extrêmement aimé. 

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