La singulière
tristesse du gâteau au citron, Aimée Bender
On peut dire que ce titre est
selon moi un bon titre. Tout d’abord il intrigue : on se demande ce que
peut bien avoir à faire un gâteau au citron dans un roman. On s’attend à une
histoire sucrée, légère. Une histoire de cuisine, de pâtisserie, d’enfants, que
sais-je… Mais n’oublions pas la première partie du titre ; il est tout de
même question de tristesse. Un gâteau peut-il être triste ? Surtout
un gâteau aussi ensoleillé qu’un gâteau
au citron ?
Toutefois l’essentiel n’est pas
là. Il réside bien plutôt dans le premier mot, le premier adjectif : la
singularité. Tout est en effet singulier dans ce roman. En commençant par son
titre.
Comme on pouvait s’y attendre, le
personnage principal est une enfant : Rosie, qui a neuf ans au début de l’histoire,
se découvre un don (ou peut-être est-ce plutôt un fardeau…) : elle goûte les
émotions des autres à travers la nourriture. Elle fait cette amère découverte
le jour de son anniversaire, en goûtant le gâteau au citron préparé par sa
maman. Plutôt que le parfum acidulé du citron, c’est le vide et l’amertume de
sa maman qu’elle goûte. La nourriture lui devient alors insupportable, et les
choses ne vont pas aller en s’arrangeant. Plus elle prend conscience de cette
étrange capacité, plus elle en souffre. Rosie ne peut plus passer à table sans
appréhension, puisque les émotions contenues dans les aliments sont les plus
pathétiques de la nature humaine. Les pires étant celles des plats préparés par
sa maman. Afin de trouver un peu de sérénité dans ce qu’elle mange, elle se
tourne vers les distributeurs, les plats tout prêts, les aliments bruts. Puis,
au fil de sa quête d’un repas qui la nourrisse sans la déprimer, elle se met à
faire le tour des restaurants du coin, à la recherche du cuisinier heureux qui
saurait lui faire goûter un peu de joie.
A ces questions d’émotions et de
cuisine, s’emmêlent les émotions de Rosie qui vit ses émois d’adolescente, mais
également ses inquiétudes à l’égard de son frère. Lui aussi possède une sorte
de « don » qui le rend absent au monde, au sens propre du terme. Je n’irai
pas plus loin, au risque de spoiler !
·
Je terminerai simplement par une remarque :
ce livre a été sélectionné par les lecteurs de POINTS en 2014, et pourtant je ne
l’ai trouvé que dans une seule librairie (la Librairie Ryst, à Cherbourg !).
Or ce roman vaut vraiment la peine d’être connu, et lu. Il est extrêmement
singulier, mais c’est cette singularité qui en fait la richesse. Et son titre…
que dire d’autre encore, à part que la définition d’Umberto Eco me semble bien
appropriée : Un titre doit embrouiller les idées, non les embrigader.
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