mercredi 7 mai 2014

La singulière lecture du roman méconnu de Points

La singulière tristesse du gâteau au citron, Aimée Bender

On peut dire que ce titre est selon moi un bon titre. Tout d’abord il intrigue : on se demande ce que peut bien avoir à faire un gâteau au citron dans un roman. On s’attend à une histoire sucrée, légère. Une histoire de cuisine, de pâtisserie, d’enfants, que sais-je… Mais n’oublions pas la première partie du titre ; il est tout de même question de tristesse. Un gâteau peut-il être triste ? Surtout un  gâteau aussi ensoleillé qu’un gâteau au citron ?
Toutefois l’essentiel n’est pas là. Il réside bien plutôt dans le premier mot, le premier adjectif : la singularité. Tout est en effet singulier dans ce roman. En commençant par son titre.
Comme on pouvait s’y attendre, le personnage principal est une enfant : Rosie, qui a neuf ans au début de l’histoire, se découvre un don (ou peut-être est-ce plutôt un fardeau…) : elle goûte les émotions des autres à travers la nourriture. Elle fait cette amère découverte le jour de son anniversaire, en goûtant le gâteau au citron préparé par sa maman. Plutôt que le parfum acidulé du citron, c’est le vide et l’amertume de sa maman qu’elle goûte. La nourriture lui devient alors insupportable, et les choses ne vont pas aller en s’arrangeant. Plus elle prend conscience de cette étrange capacité, plus elle en souffre. Rosie ne peut plus passer à table sans appréhension, puisque les émotions contenues dans les aliments sont les plus pathétiques de la nature humaine. Les pires étant celles des plats préparés par sa maman. Afin de trouver un peu de sérénité dans ce qu’elle mange, elle se tourne vers les distributeurs, les plats tout prêts, les aliments bruts. Puis, au fil de sa quête d’un repas qui la nourrisse sans la déprimer, elle se met à faire le tour des restaurants du coin, à la recherche du cuisinier heureux qui saurait lui faire goûter un peu de joie.
A ces questions d’émotions et de cuisine, s’emmêlent les émotions de Rosie qui vit ses émois d’adolescente, mais également ses inquiétudes à l’égard de son frère. Lui aussi possède une sorte de « don » qui le rend absent au monde, au sens propre du terme. Je n’irai pas plus loin, au risque de spoiler !


·         Je terminerai simplement par une remarque : ce livre a été sélectionné par les lecteurs de POINTS en 2014, et pourtant je ne l’ai trouvé que dans une seule librairie (la Librairie Ryst, à Cherbourg !). Or ce roman vaut vraiment la peine d’être connu, et lu. Il est extrêmement singulier, mais c’est cette singularité qui en fait la richesse. Et son titre… que dire d’autre encore, à part que la définition d’Umberto Eco me semble bien appropriée :  Un titre doit embrouiller les idées, non les embrigader. 


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