Infrarouge, Nancy Huston
Le dernier roman de Nancy Huston
vient de sortir en poche ; une aubaine !
Mon troisième de cette auteur, et
une étrange surprise. Je n’ai pas eu le sentiment de retrouver celle qui a
écrit L’Empreinte de l’ange, roman
tout en retenue, en finesse et en émotions. Ici on est face à une héroïne qui
semble pleine d’assurance, avec un fiancé, une passion (la photographie), un
boulo reconnu (photographe favorite d’un journal) et pourtant un lourd passé.
Rena a plus d’une faille, derrière le viseur de son appareil photo. Des failles
liées aux vices subits dans l’enfance, des accrocs amoureux et sexuels, des
fascinations…
On est peut-être plus proche de Dolce Agonia… mais toutefois, il est
beaucoup question de vice, de sexe et de blessures dans ce roman fait de
réminiscences. Le double de Rena, Suba, voix amie qui l’accompagne partout, l’enjoint
sans cesse de « raconter » le souvenir que suscitent en elle les
situations ou les individus qu’elle rencontre. Individus et paysages lumineux
et exotiques puisque tout cela se passe lors d’un voyage en Italie. Lieu
romantique par excellence, Florence est le théâtre pour elle de résurgences
plus ou moins douloureuses. Le lecteur devient un peu le voyeur des souvenirs
mais aussi des fantasmes de l’héroïne, qui accompagne son père et sa belle-mère
pour ces vacances censées les reposer, les rapprocher peut-être.
Bref c’est un peu du voyeurisme
tout ça ; certes c’est plaisant, la subversion ça fait palpiter, mais
quand même, parfois c’est un peu trop. J’ai aimé cependant, mais c’était
étrange. La fin est d’autant plus étrange qu’elle est bouleversante. Ce voyage
aura véritablement transformé Rena, mais on ne sait pas si ce sera dans le bon
ou le mauvais sens. Une sorte de cure de jouvence dont l’issue reste inconnue
pour le lecteur.
Sorte de parcours initiatique à
rebours et intérieur, le roman retrace le passé pour mieux voir l’avenir.
Florence devient une sorte de bain révélateur à lumière infrarouge (méthode
spéciale qu’utilise Rena pour révéler les émotions cachées de ses sujets de
prédilection, les hommes en pleine jouissance… je ne saurais pas en dire plus).
Rena sort de ce bain différente, plus faible semble-t-il, quoi que…
La fin est donc surprenante, la
construction du roman déjà vue mais intéressante. Un roman vite lu, agréable,
sans trop de prise de tête. Et avec du style, notons le bien. C’est Nancy
Huston quand même.
Remarque post-écrit : je viens de lire quelques critiques de
ce roman, et il est que justement, ce sont les thèmes de prédilection de l’auteur
qui sont déployés ici, dans un style et une trame narrative (les réminiscences
en forme de musées personnels) remarquables. Comme quoi on ne peut bien juger d’un
auteur que si on le connaît un minimum, et pas uniquement en ayant deux de ses
livres. Et puis après, ça reste une affaire de goût et de ressenti !
Une remarque encore : la couverture du livre de poche est un peu glauque... on dirait un peu une peinture de Munch qui aurait pris la pluie...
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