Les quelques romans de Laura Kasischke
que j’ai lus et dont je n’ai pas encore parlé
Il y a quelques mois, ma maman –qui
a toujours une énorme longueur d’avance niveau lectures et découvertes, et dans
la bibliothèque de laquelle je pioche plus volontiers que sur n’importe quelle
table de sélection de libraire- m’a fait découvrir cette auteur américaine, qui
a publié un certains nombre de romans. Elle y met en lumière la vie aux
Etats-Unis avec une certaine finesse, et a un talent particulier pour rendre
compte de sentiments adolescents. Elle a en cela quelque chose de Joyce Carol
Oates, sans la puissance démiurgique. Elle me semble, en quelque sorte,
secrétaire de la vie de banlieue de femmes et d’adolescentes des Etats-Unis
modernes, en proie toutefois à des situations qui n’ont rien de très banal… Une
secrétaire qui aime plonger ses personnages, tout droit sortis de la vraie vie,
dans des situations qu’on ne rencontre pas aisément dans cette « vraie vie »
(et heureusement), et qui cependant n’ont rien d’impossible. En bref, la
situation initiale est plausible, la fin des romans fait froid dans le dos.
Voilà l’espèce d’équation que j’ai pu déduire de la lecture de trois romans de
Laura Kasischke (dont je vous mets au défi d’épeler le nom !) : Un oiseau blanc dans le blizzard, A moi pour toujours, et le dernier en
date (pour moi) En un monde parfait. Concernant
la cohérence de son œuvre, au vue du peu que j’en connais, je peux déjà vous
donner un indice : les titres ne sont pas choisis au hasard, et on se rend
compte à la fin de la lecture à quel point cette fin incroyable et inattendue
nous était presque donnée à travers le titre…
Chacun de ces romans met en scène
une femme au destin brisé ou en passe de l’être, entourée d’adolescents dont l’évolution
sera plus ou moins au centre de l’intrigue.
Venons-en au premier que j’ai lu,
à savoir Un oiseau blanc dans le blizzard.
Maman me l’avait présenté comme un espèce d’ovni, ni polar ni simple roman de mœurs,
un livre inattendu qui pourtant, à ma grande surprise, commence d’une manière
somme toute assez classique : une mère de famille de la banlieue
new-yorkaise, agacée par époux, fille et ménage, disparaît. On pense qu’elle a
pris le large… et pourtant, il n’en est rien, comme nous le découvrons avec
stupeur à la fin. Je ne peux toutefois pas me permettre de vous la dévoiler
cette fin ; elle m’a trop surprise, voire bouleversée. Cependant, je vais
malgré tout l’évoquer en bas de page, afin que ceux qui voudraient voir ma
théorie de l’équation illustrée puissent trouver satisfaction. Ceci étant dit,
on peut s’attendre à beaucoup de choses de la part de cette intrigue. Plusieurs
points de vue s’offraient à l’auteur et personnellement, je m’attendais à ce
que nous soit contée la fuite de la mère, ses retrouvailles avec la liberté, le
vent de la liberté, des hommes, de la jeunesse perdue. Mais pas du tout. C’est
en réalité la vie de sa fille et de son époux, après sa disparition, qui sont
le cœur du roman. Sa fille qui a un petit ami que la mère trouvait à son goût ;
cette même fille dont on suit l’évolution pendant trois ans, trois ans sans
mère mais finalement sans joug, libre de devenir jolie, féminine, même de
chiper les vêtements de cette mère souvent détestée (elle est semble-t-il partie
sans rien). Son époux, qui est au début totalement perdu, retrouve l’amour, la
liberté. Finalement c’est bien de liberté dont il est question, mais pas celle
qu’on aurait pu attendre. Voilà en quoi cette auteur surprend : elle nous
emmène dans des directions que l’on n’aurait pas forcément soupçonnées, elle
nous surprend à chaque page ou presque, et au bout d’un moment, on finit par se
dire que quelque chose cloche… Surtout que la mère ne revient jamais… Mais
stop, j’en ai trop dit pour ceux qui ne voulaient rien savoir ! Les
autres, je vous renvoie comme prévu en bas de page.
J’ai acheté moi-même le second
roman, forte de cette première expérience et des informations que j’avais pu
glaner sur ses romans ici et là. J’avoue l’avoir acheté par pure symbolique au
début : en effet, la couverture représente un cœur de Saint-Valentin, et
nous étions le 13 février. Pur sentimentalisme donc, pour finalement découvrir
encore une fois une intrigue inattendue – bien qu’un peu moins que celle qui
précède. Dans A moi pour toujours,
locution amoureuse qui, les lecteurs le constateront- n’a rien de bien
romantique, l’histoire commence par un billet doux dans un casier de la Faculté
de Lettres. Notre héroïne, épouse, mère et professeur de fac ayant dépassé la
quarantaine, croit donc avoir un admirateur secret… S’ensuivent des tas de
situations rocambolesques - teintées cependant d’un certain trouble- mettant en
scène la meilleure amie, le mari, le fils, et les amants potentiels. Jusqu’au
jour où elle rencontre vraiment un amant, mais ce n’est pas celui des billets…
Où nous emmène-t-on encore ? Enfin maintenant, on l’aura compris, avec
cette auteur c’est la question qu’il ne faut même plus se poser. Je laisse le
plaisir à ceux qui le souhaitent de découvrir la surprenante résolution de
cette étrange parenthèse de vie.
Le dernier roman en date dans mes
lecture est En un monde parfait. L’atmosphère
en est d’autant plus surprenante que nous sommes plongés dans les années
2030-2040, en pleine apocalypse. Les Etats-Unis sont touchés par une espèce de
grippe, qui dissémine la population telle une épidémie de peste. Mais comme
rien n’est en apparence cohérent avec Laura Kasischke, il n’est pas question de
décrire le chaos, mais de parler d’amour. Une jeune hôtesse de l’air de trente
ans, célibataire endurcie, épouse le commandant le plus séduisant du ciel,
rendant jalouses toutes ses collègues. Seule ombre au tableau : cet homme
et veuf et a trois enfants, dont le plus jeune a 9 ans. Nous allons donc suivre
au fil du roman l’évolution des relations entre la jeune belle-mère et ses
beaux-enfants, et particulièrement celle avec les belles-filles, qui ne sont
pas toujours tendres… Mais comment tout cela peut-il évoluer en plein chaos ?
C’est ce que l’on découvre avec une espèce d’impatience tout au long des pages.
Le roman devient alors une sorte d’hymne à la cohésion, au partage, au retour
aux vraies valeurs. Sans cependant tomber dans la niaiserie. Du grand art je
trouve.
Pour ceux qui le souhaitent :
la situation finale des romans !
L’oiseau blanc dans le blizzard,
en réalité, n’est rien d’autre que le corps de la mère qui repose depuis trois
ans dans le congélateur de la cave, soigneusement déposé par l’époux dévoué
mais totalement bridé. Troublant n’est-ce pas !
A moi pour toujours, c’est
finalement ce que souhaite en quelque sorte un fils pour sa mère. En effet ce
dernier n’hésite pas à tuer un de ses camarades qu’il soupçonne d’être l’amant
de sa mère… Une fin encore une fois inattendue, un peu tirée par les cheveux
selon moi, mais qui a le mérite de surprendre !
Le monde parfait du dernier roman
n’est autre que celui d’une apocalypse auquel la nouvelle famille survit, en l’absence
du père et grâce à la pugnacité de Jiselle, notre héroïne. Et le tout sans niaiserie,
promis !
Bonjour Saleandre,
RépondreSupprimerJ'ai découvert cette auteure récemment moi aussi, mais je n'ai pas lu les mêmes titres que toi. J'ai commencé avec "La vie devant ses yeux", qui m'a un peu déçue, pour continuer avec "A suspicious River" (celui que je préfère pour l'instant) et "La couronne verte". Et c'est vrai que l'on y retrouve cette constante que tu évoques : l'introduction dans un quotidien a priori banal et heureux d'un élément qui fait basculer le récit dans l'horreur..
Suite à ton billet, "Un oiseau blanc..." me tente bien, je le note..
A bientôt.