dimanche 26 février 2012

Le coeur cousu (et surtout ému)


Le cœur cousu, Carole Martinez

Soledad nous raconte une histoire surprenante : celle de Frasquita, sa mère, couturière magicienne. Aiguilles en main, cette jeune femme a, dès ses débuts, fait montre de talents exceptionnels. Mais comme elle le découvrira une nuit, initiée par sa mère à elle, elle n’est pas seulement une couturière hors pair ; elle a surtout des dons magiques. Rebouteuse aux fils arc-en-ciel, Frasquita va alors accomplir un certain nombre de miracles ; tout ce qu’elle touche de son aiguille se transforme, se sublime ou reprend vie.

Heureusement qu’elle a ces dons Frasquita, puisque dans son village, rien ne va comme elle le voudrait. La statue de vierge manque de vie ? Pas de problème, (attention je spoile !)on va lui coudre un cœur, et elle va rayonner. Son mari voit son coq favori anéanti lors d’un combat ? Rien de plus simple pour Frasquita que de recoudre plumes et plaies. Un jour c’est même un homme laissé pour mort à qui elle redonne visage humain. Tout ce qu’elle touche se transforme, se met à rayonner, à aimer même. Mais malgré tout, un jour, Frasquita quitte son village. Elle a été jouée par son mari (au sens propre!), et en plus de cela l’ogre sévit, et risque de s’attaquer à sa nombreuse progéniture. La jeune femme a en effet eu plusieurs enfants, des filles et un garçon, tous ayant une particularité : l’une ne parle pas, l’autre a aussi des dons, la dernière est revenue de la mort et le garçon est roux (conception moyennâgeuse de la rousseur, mais on est dans un conte, tout est possible !) . Soledad, la plus jeune, la toute dernière, née dans le sable du désert, est quant à elle, comme son nom le laisse entendre et comme on l’apprend dès l’incipit, destinée à la solitude.
A l’extérieur comme à l’intérieur du village, tout est un peu magique autour de Frasquita. Dans ce roman qui flirte avec l’épopée et le conte, on rencontre des sages-femmes un peu sorcières, des médecins mangeurs d’enfants, des révolutionnaires sanguinaires et des héros sans peur. Avec un tel casting, promesse est assurée : on ne s’ennuie pas.

Certes, certains épisodes doivent être pris tels qu’ils sont : fabuleux, dignes d’un conte, un peu abracadabrantesques donc. Mais dès lors que l’on garde cela en mémoire au cours de la lecture (presque 400 pages tout de même), on n’est presque jamais déçu.

Un dernier point est à noter : la dimension métatextuelle de l’ouvrage. La métaphore du fil, du tissu, de la couture, n’est pas sans rappeler l’étymologie du texte, à l’origine un tissu sur lequel on écrit. Soledad, qui raconte l’histoire de sa mère, n’a de cesse de nous rappeler qu’avec ses aiguilles, cette femme a tissé sa vie, comme à la fin elle l’a fait avec les robes de mariées de ses filles. Un destin retracé, cousu et recousu, harmonieux ou rapiécé, qui ne laisse pas en tout cas le lecteur indifférent.

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