mercredi 3 juin 2015

Le Passeur, Lois Lowry

Dense mais intense, voilà comment est-ce que je pourrais qualifier ce roman. Je l'ai lu en quelques heures seulement, et j'ai été très étonnée. Non seulement il se lit très vite, mais il n'a rien à avoir avec ce à quoi je m'attendais. 
J'en avais beaucoup entendu parler sur la chaîne de Justine, FairyNeverland. C'est un de ses romans préférés. Vu comment elle en avait parlé, je m'attendais à un livre de dystopie un peu ordinaire, comme on en voit souvent en ce moment. Or il n'a rien d'un Hunger Games ou d'un Divergent, même si au début j'ai pu m'y méprendre. En effet il est question d'une société étrange, un peu comme dans la série de Véronica Roth, dans laquelle les individus sont choisis selon leurs compétences pour intégrer un corps de métier. L'action se situe quelques jours avant ce que l'auteur appelle "la cérémonie des Douze-ans", au cours de laquelle les adolescents de 12 ans se verront affectés à un domaine particulier de la vie de la communauté (soin aux nourrissons ou aux personnes âgées, Sciences, Loisirs, etc...). Cette cérémonie n'a lieu qu'au bout de 80 pages, et c'est là que tout commence vraiment, comme dans Divergent. Toutefois, arrivée à ce moment, je me suis demandée comment, avec les 150 pages qui restaient dans le livre, l'auteur allait parvenir à construire une intrigue prenante et palpitante... Et bien j'ai été bluffée. Je me disais bien que j'allais être surprise puisque ce roman est considéré par beaucoup comme un chef-d'oeuvre. En plus, il a été écrit en 1992, il y a plus de 20 ans, donc il est à la frontière entre Le Meilleur des Mondes et les dystopies actuelles. Il devait réserver des surprises...

La suite du roman est magistrale. Après nous avoir baladé dans ce monde où tout semble parfait, maîtrisé, sans souffrance et sans peurs, Lois Lowry nous montre, à travers le regard de Jonas et ses étranges pouvoirs, un monde qui n'a rien d'idyllique... Grâce au Passeur qui lui transmet les souvenirs de la communauté depuis des décennies, Jonas se rend compte que le monde n'a pas toujours été aussi terne, les gens aussi polis et les comportements aussi prévisibles. Avant il y avait de la couleur, de la pluie et de la neige, des sentiments, des plaisirs simples. On ne nous dit pas clairement comment est la société dans laquelle vit Jonas et sa "cellule familiale" comme on l'appelle, mais on comprend, à travers ce qu'il découvre dans les souvenirs, à quel point elle est fade. Afin de supprimer toute douleur, toute souffrance de l'esprit des hommes, ces mêmes hommes ont codifié la vie de façon à la rendre uniforme et sans aspérités. Je ne m'étais pas rendue compte au début de ma lecture de l'horreur de la situation dans laquelle vit cette société, qui pourtant s'y complaît. Tout ce qui peut constituer une quelconque forme de sentiment, d'émotion ou déranger la bonne continuité de l'existence a tout simplement été banni. Tout le monde est gris, habillé de la même façon, très poli, les repas sont servis à domicile, les travaux quotidiens sont régentés, bref, une dictature dissimulée sous une existence lisse dans laquelle les individus se pensent épanouis. 
Chaque matin on confie ses rêves, chaque soir ses émotions. On a l'impression que tout est limpide. Mais Jonas se rend compte que tout le monde ment, dissimulé derrière ses bonnes manières. Une communauté qui ne connait pas les relations familiales, qui prend une pilule pour éviter de ressentir de l'amour, et surtout qui "élargit" les individus inaptes et les personnes âgées... Je vous laisse découvrir ce que ce mot signifie en réalité, si vous ne l'avez déjà deviné.

Je vais m'arrêter là parce que je spoile un peu tout de même. En effet un des intérêts majeurs de ce livre réside dans cette réflexion qu'on peut avoir sur cette société policée. Toutefois c'est loin d'être l'unique atout de ce livre, puisqu'il est porté par un personnage qui va s'insurger contre cet ordre établi. Jonas et le Passeur sont les deux seuls membres de la Communauté qui connaissent la réalité des choses, ont des souvenirs de plaisir et de douleur, et surtout peuvent parler sans ambages. Leur relation est très émouvante, et l'évolution de Jonas très impressionnante.

Un roman qu'il faut mettre entre toutes les mains, des plus jeunes aux moins jeunes. En moins de 250 pages, l'auteur réalise le tour de force de nous offrir un roman palpitant, dense, bien construit et qui amène en douceur la réflexion. Les auteurs de dystopie, avec leurs trilogies, devraient en prendre de la graine. Pas besoin d'une pléthore de tomes pour raconter une belle histoire (et encore, vous n'imaginez pas encore à quel point celle-là est belle, puisque je ne vous raconte pas la fin !). 

7 commentaires:

  1. Belle critique! En même temps avec un tel roman, difficile de ne pas aimer! Il est vraiment excellent et peut se lire assez jeune en plus! Est-ce que tu comptes voir le film? Moi il ne m'attire pas trop...peur certainement de gâcher mon souvenir de lecture!

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    1. Par souci professionnel oui je pense que je vais essayer de voir le film, parce que je me disais que ce serait un bon livre de réflexion à faire lire à des élèves, et comme il y a un film, autant en profiter aussi ! Mais je crois qu'effectivement il n'est pas à la hauteur du roman (ce qui serait difficile ceci dit, vue sa qualité !).

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  2. Raaah, il faut vraiment que je me procure ce livre ! Il est d'autant plus intriguant qu'il a été écrit bien avant le mouvement de masse vers les dystopies jeunesse. Je l'ai déjà dit dans un autre commentaire, mais j'ai adoré le film, ça a été une très bonne surprise parce que je m'attendais à voir quelque chose d'assez bateau.N'ayant toujours pas lu le livre, je ne peux pas comparer les deux mais je ne pense pas qu'il puisse vraiment trop de décevoir.

    ATTENTION (MINI) SPOILER pour ceux qui n'ont pas lu le livre, ni vu le film

    En lançant le film je connaissais si peu l'histoire que je me suis demandé bêtement s'il y avait un bug, car il était, comme tu peux t'en douter, en noir et blanc ! J'ai vraiment apprécié l'idée après coup, ça a vraiment transmis une ambiance particulière dès le départ.

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    1. On découvre que l'environnement est gris qu'assez tardivement dans l'histoire puisqu'elle est racontée à travers le point de vue d'un membre de la communauté, pour qui tout cela est normal. C'est ce que j'ai trouvé très malin !
      Je vais essayer de regarder le film un de ces jours; mais je me mets moins facilement devant un film qu'avec un livre :p
      Je serai contente de voir quelles seront tes impressions quand tu auras lu le livre après avoir vu le film. Souvent ça réserve de bonnes surprises, le livre étant plus riche.
      A très vite et merci de ta fidélité ;)

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  3. Je pensais également me retrouver face à une enième dystopi du genre 'Hunger Games' , du coup le début m'a assez ennuyé, c'était long le décor est installés pendant un long moment , j'aurais aimé un peu plus d'action avant mais après avec surprise j'ai été emportée par l'histoire.
    Ta chronique est chouette, j'aime beaucoup te lire ^^

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    1. Tu es gentille ! C'est chouette si je te donne envie de lire certains livres en tout cas. Et ne t'en fais pas pour les fautes, on en fait tous (plus ou moins, en tant que prof j'essaie de montrer l'exemple) !
      Comme toi, j'ai trouvé l'intrigue longue à se mettre en place, je me demandais comment une telle histoire pouvait tenir en si peu de pages et puis... ce fut super !

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