mercredi 22 avril 2015

Forbidden

Je viens de terminer la lecture de Forbidden de Tabitha Suzuma et... comment vous dire... ce fut une belle claque ! Peut-être pas celle que j'attendais, mais comme l'écrivent beaucoup de bloggeuses, ça fait réfléchir...

Maya et Lochan sont les ainés d'une fratrie de cinq enfants. Leur père les a laissés tomber, leur mère passe son temps chez son nouveau chéri, et les deux adolescents prennent en charge leurs cadets, âgés de 13 à 5 ans. Ils n'ont donc pas une vie facile, obligés de s'occuper chaque jour des devoirs, des repas, du coucher bref, ils jouent au papa et à la maman. Les deux héros ne vivent donc pas une existence d'adolescents ordinaires, mais leur histoire est bien plus compliquée encore...

Autant vous dire que ça n'est pas un roman facile, puisqu'il est en fait question d'inceste. Maya et Lochan s'aiment, au sens le plus fort du terme. Quand je dis qu'ils jouent au papa et à la maman, l'expression prend en fait tout son sens, puisqu'ils ne sont pas simplement frère et soeur, ils sont également partenaires, meilleurs amis et finalement amants. Toute l'histoire tourne autour de cette relation amoureuse atypique et surtout interdite (d'où le titre, qui signifie "hors la loi" aussi). On sait dès le départ de quoi va parler le livre, mais la relation Maya-Lochan évolue peu à peu. Au début on ne se doute de pas grand chose, mis à part qu'ils se soutiennent beaucoup face aux difficultés. On se dit qu'ils sont vraiment soudés, qu'ils s'entendent vraiment bien, et c'est sans doute ce qui leur permet de survivre. La romance ne commence qu'au bout de 70 pages (ce que certains ont trouvé long) mais il m'a semblé justement que les premiers chapitres permettaient de poser le cadre de leur existence et finalement de mieux comprendre pourquoi la nature de leur relation a pu évoluer vers l'amour charnel et spirituel. Ils sont tellement liés, partenaires jusqu'au bout, qu'il n'est finalement pas si choquant que cela de les voir dépasser le cadre de la loi. Ils sont comme un papa et une maman, des âmes soeurs, des meilleurs amis. Ils ont toujours été obligés de vivre ensemble, côte à côte, ils ont toujours existé l'un pour l'autre, comme deux personnes qui s'aiment. On oublie très facilement qu'ils sont frère et soeur et on se laisse emporter par leur romance.Bourrée de clichés oui, mais quand on garde en arrière plan l'idée que c'est une romance interdite, elle prend beaucoup plus d'ampleur. Comme ce n'est pas le premier amour interdit de la littérature (pensons à Pyrrhame et Thisbé, Roméo et Juliette, Bella et Edward...) on peut  trouver des clichés. Toutefois la profondeur démesurée de l'interdiction à laquelle ils sont confrontés donne une perspective encore plus tragique à leur histoire. 
En définitive ce roman ressemble un peu à une tragédie. On sait dès le début que leur amour est voué à l'échec, même si Maya ne cesse de vouloir entrevoir un possible bonheur. Le récit est raconté par l'alternance des points de vue des deux adolescents, et j'ai trouvé ce choix intéressant. On comprend alors encore plus de choses sur les réactions des personnages (Lochan beaucoup plus inquiet, sombre et pessimiste que Maya) et leurs choix. 

Un roman que je conseille parce qu'il fait réfléchir, mais qui peut être dérangeant. Pas vraiment pour celui qui choisit de le lire, parce que je pense qu'on ne choisit pas ce genre de thème par hasard, mais plutôt peut-être pour l'entourage. Difficile de faire comprendre à ceux qui nous demandent ce qu'on lit qu'on n'est pas en train de se complaire dans la perversité. L'histoire de Lochan et Maya est une histoire d'amour comme on en voit peu. 

Petite remarque : ce roman, bien que sorti depuis 2010, n'existe qu'en anglais. Sans doute les maisons d'éditions françaises sont-elles réticentes à publier un roman sur ce thème, surtout qu'il est classé au Royaume-Uni dans la catégorie Young Adult. Je ne crois pas que j'irais jusqu'à batailler pour sa sortie en France, même si c'est une magnifique histoire, qui fait réfléchir. Ceci étant, si vous lisez l'anglais et que le thème vous interpelle, n'hésitez pas. Notez toutefois que les pages sont denses, avec peu de dialogues, et que les mots de vocabulaire utilisés sont assez variés. J'ai en appris beaucoup au cours de ma lecture.
Un roman dont le thème peut vraiment poser question, mais qui dissimule une très belle histoire. 
Certes, pourrait-on dire, mais a-t-on besoin de parler d'inceste pour parler d'amour ? L'arrière-plan quasi pervers (Levi Strauss rappelle que l'inceste est le tabou ultime de la société, au-delà duquel il n'y a d'ailleurs plus de société possible) confère il est vrai une profondeur et une émotion énormes à l'ensemble, mais c'est une interdiction qui dérange. L'aspect pervers est ceci dit compensé par les circonstances familiales difficiles, qui font des deux personnages des partenaires avant tout. Et puis, argument ultime... ça reste une fiction ! 

Un petit mot sur la couverture : je trouve l'usage du barbelé un peu trop dure ... On croirait qu'ils vont ne faire que souffrir de leur amour, alors qu'en fait il y a majoritairement beaucoup de douceur dans leur relation. Ils dramatisent trop l'histoire, qui finalement est une romance, pas comme les autres bien sûr, mais une romance avec tous ses codes.

Un sujet atypique, mais traité de manière très juste. 

4 commentaires:

  1. Tu titilles ma curiosité! Mais si les pages sont denses avec beaucoup de mots compliqués, j'hésite...

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    1. Avec une tablette ou une dico à côté, ça passe tout seul ! Et ce sont souvent les mêmes mots qui reviennent. As-tu déjà lu quelques livres en anglais ? Parce qu'il est vrai que pour commencer, c'est loin d'être le plus simple.

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  2. C'est un thème qu'on voit peu dans les romans...cela peut être assez intéressant!

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  3. Oui tu as raison, et en plus il n'est pas traduit... C'est donc que le sujet est fort limité !

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