samedi 18 octobre 2014

Epitaphe aux livres abandonnés

Oui, il arrive que j'abandonne des livres... et c'est souvent des abandons en chaîne... 
Je n'aime pas ces périodes; je me sens instable, troublée. Il n'y a rien de mieux que de savoir qu'on a un livre qui nous attend, un sûr moyen de détente dans le canapé ou sous la couette... Pour finir une dure journée de cours et une soirée de copies, il n'y a pas havre plus agréable. Mais parfois les livres ne sont pas au rendez-vous, ou mes choix n'ont pas correspondu à mes envies du moment...
 Je ne sais pas si cela vous arrive aussi, mais selon la période, mon état d'esprit ou même le temps, je n'ai pas/ plus envie de lire certains (types de...) livres. Pour vous donner un exemple, une expérience récente avec un roman que j'avais adoré il y a quelques années : Les Mandarins de Simone de Beauvoir. Je me faisais une joie de le relire pour ressentir à nouveau les émotions et revivre la boulimie des pages à laquelle je m'étais laissée aller lors de ma première découverte. Je me souviens, je ne le lâchai pas et m'enfilai avidement jusqu'à 200 pages par jour... surtout lors de mes voyages en train. Forte de ce souvenir roboratif, je me suis débrouillée pour récupérer mes deux exemplaires (500 pages chacun, des mastodontes), je les ai rêvés, attendus, retrouvés, humés même (j'avoue, j'adore l'odeur des vieux livres jaunis!) et enfin ouverts... Délice des premiers mots et puis... ennui, incompréhension. Je n'ai pas ressenti ces sentiments de reconnaissance, d'avidité, de curiosité insassiable à l'égard des personnages si proches, de Simone, Jean-Paul Sartre et les autres. Pourtant ils n'avaient pas disparus, c'étaient bien leurs noms, leur histoire, mais la magie n'était plus là. 
C'est étrange ce pouvoir des livres. Ils peuvent agir sur nous comme des coups de tonnerre, presque des coups de foudre (nous faire dire "Ah oui c'est ça, j'ai enfin compris !" ou "Je le savais mais là, c'est formulé comme jamais je ne serais parvenu à le faire"), et le même livre, à une autre période, nous laisser dans un état pire que l'état de glaçon, puisqu'il nous laisse dans l'indifférence. Je n'ai même pas ressenti de déception finalement, puisque j'ai eu l'impression d'avoir affaire à un autre livre. J'ai eu beau feuilleter, tourner les pages, aucune étincelle ne revenait...
Peut-être est-ce dû au fait que j'ai digéré ces aventures de Simone, surtout après la lecture du superbe Beauvoir in Love... 
Quoi qu'il en soit, voilà bien un phénomène étrange et déroutant : l'écho du livre dans un moment de vie...

Comme je ne vois pas vraiment comment parler de ce phénomène là, je vais essayer de vous parler des livres que j'ai abandonnés, et d'expliquer mes raisons (si tant est que ce soit possible, puisque c'est presque de l'ordre de l'inconscient psychédélique !)


Il y a d'abord eu L'appartement témoin de Tatiana de Rosnay. C'était le dernier de cette auteur en ma possession, et j'avais envie depuis un moment de m'y attaquer. Je dis d'ailleurs m'y attaquer, comme s'il s'agissait de clouer la proie au sol et d'en goûter un morceau du bout des dents, pour en tester la saveur... Finalement, c'est un peu ce qui s'est passé... J'avais d'ailleurs un peu triché puisque j'avais lu quelques bribes de pages il y a quelques temps, et me souviens avoir abandonné. Il ne me correspondait pas à ce moment là. Je m'y suis donc à nouveau attaqué quelques mois plus tard, d'une manière quasi méthodique puisqu'il s'agissait d'évaluer l'intérêt de ce premier roman par rapport aux autres que j'ai lus d'elle. Il y avait aussi, derrière tout ça, l'envie de retrouver l'univers des murs que Tatiana de Rosnay sait si bien mettre en place, et qui m'interpelle toujours. Bref, plusieurs raisons d'attaquer. 
J'ai mordu à pleines dents; c'était agréable, pas mauvais, un peu fade.... J'ai tenu plus de 50 pages, avec enthousiasme. Mais c'était de plus en plus fade... trop fade... et puis saturé de déjà vu... des fantômes, une relation père-fille trop limpide, un personnage limite niaiseux... Les idées de l'auteur en gésine, et manquant vraiment de piquant... 

J'ai donc abandonné ma proie... pour l'ombre (magnifique transition, et ce n'était pas prémédité !)

 On m'avait recommandé L'ombre du vent de Zafondepuis très longtemps. Je me souviens d'une collègue qui me disait être pressée de rentrer chez elle pour poursuivre une lecture que je supposais passionnante. Lorsque je lui avait demandé de m'éclairer sur les raisons de son engouement, elle m'avait vaguement évoqué l'histoire d'un enfant, de livres et d'une espèce de magie... A l'époque, férue de classiques, j'avais directement relégué l'ouvrage au ban de la littérature de distraction, presque du roman de gare. Pas pour moi donc. Et puis, quelques années plus tard, sortie de ma période "snobisme littéraire" et "Je veux connaître les classiques d'abord", je me suis à nouveau intéressée à ce roman, dont j'avais encore entendu du bien entre temps. Et un roman d'apprentissage autour des livres a forcément allumé un certain intérêt. Je l'ai donc pris dans la bibliothèque de maman.
Un indice aurait dû, dès cet instant, me mettre sur mes gardes : il était coupé d'un marque page... à la page 275... Maman m'a avoué ne pas avoir pu continuer. D'autres livres à lire, qui lui plaisaient plus... Cela aurait vraiment dû me mettre la puce à l'oreille...
Sur le moment, cela ne m'a pas empêchée de le commencer, avec un certain enthousiasme. J'étais contente de voir que l'écriture est fluide sans être trop "facile"; c'est de la littérature. De plus les personnages sont attachants, l'intrigue plutôt intéressante (le cimetière des livres oubliés, une histoire d'amour, du suspense, ...). Mais au bout de 150 pages environ, alors que je pensais justement continuer, j'ai ralenti le rythme.
C'est souvent ce qu'il se passe avec les gros livres : je commence fort, entre 50 et 90 pages d'un seul coup, et puis après je m'essouffle. C'est toujours comme ça (ou presque). S'il n'y a pas dans le livre un petit quelque chose, un petit plus qui me permette de repartir sur un bon rythme, je flirte avec l'abandon. Parfois je cède; comme ici. Il n'y a pas eu ce petit rien qui fait que je continue avec enthousiasme. C'est même l'inverse qui s'est produit, puisque je me suis sentie étouffée : trop de personnages, trop de descriptions, trop de faits étranges et d'embroglio dans les pages. Dans une course d'endurance, manquer d'air n'est même pas fatal, c'est carrément la fin.
J'ai donc abandonné ce roman, avant la page 200. Maman aura eu plus de souffle que moi.

En mémoire de ce livre, j'avais donné comme titre à mon article "cimetière des livres oubliés", mais finalement j'ai trouvé ça trop terrible, presque irrémédiable. Comme si en écrivant un article sur ces trois romans je les enterrais. Or ce n'est pas le cas; je me dis qu'un jour je les reprendrai peut-être ! J'ai donc choisi "épitaphe", pour garder l'idée de mausolée, mais avec une notion d'hommage.


Le dernier roman que j'ai abandonné est encore un gros roman : Le club des Incorrigibles Optimistes de Guenassia. Je suis venue à ce roman parce qu'il fait partie de la liste des romans du Goncourt des lycéens, que je dois connaître pour un travail prévu avec les élèves. Il est assez récent, mais je ne l'avais pas lu, en partie par snobisme encore. Je le confondais avec Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates", que je classais avec Anna Galvalda (que j'avais adoré quelques années auparavant. Heureusement que les goûts changent et évoluent, sinon on passerait à côté de plein d'histoires super!). Je me suis empressée de le trouver au CDI et me suis plongée dans ses 700 pages et quelques, toujours avec un grand enthousiasme et beaucoup d'espoir. C'était en plus une période de disette livresque, et je me disais qu'un livre de cette taille était une manne inespérée. Comme pour Zafon, j'ai dévoré les 100 premières pages, avec le plaisir non dissimulé de retrouver une histoire d'enfance à la manière du Chagrin de Lionel Duroy, que je n'avais jamais abandonné au contraire(ce fut même une course effrénée, de celles qui revigorent). J'étais contente de retrouver un style fluide et une atmosphère fin de guerre qui me plait toujours. Mais le problème est qu'en dehors des histoires du héros, je n'arrivais pas à m'attacher aux trop nombreux personnages. Et puis il y avait trop de notions politiques, et à chaque fois ça me bloque (je ne sais toujours pas pourquoi... mon côté Gandhi peut-être...). J'ai été tentée à un moment de sauter des passages et de m'attacher à ceux qui concernaient Michel... mais ça aurait été passer à côté de l'intérêt du roman, qui est d'allier avec justesse les deux vies, intime et publique. Je le reprendrai peut-être un jour, mais c'est un pavé ... !

Voilà ce que je voulais vous raconter sur les dernières expériences d'abandon ...
Mais depuis j'ai retrouvé un nouveau souffle, grâce à des romans plus simples, plus guillerets, voire un peu décriés (surtout pour une snob littéraire telle que moi !).
Mes prochains articles concerneront donc :
- Le Quatrième mur (or massif au milieu d'une rivière en plaqué)
- Je vais mieux de Foenkinos
- Demain, j'arrête de Gilles Legardinier 

3 commentaires:

  1. Oh flûte, j'avais beaucoup aimé l'Ombre du vent, dommage que tu n'aies pas accroché !

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    1. Je sais bien, et c'est au vue de toutes les bonnes critiques de ce roman que je me suis dit que je le reprendrai sans doute un jour :)

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  2. Moi aussi, j'avais beaucoup aimé l'Ombre du vent.
    Dommage!

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